Handicap
(Vu sur Ipsos) Quel est le regard de l’entreprise sur l’embauche des personnes handicapées ? Quels sont les freins et les motivations à l’embauche des personnes handicapées ? Quelles actions et mesures qui faciliteraient l’intégration professionnelle de ces publics ? Avec le concours d’Ipsos, le Club Handicap & Société se dote d’un outil d’observation à vocation barométrique en vue d’alimenter sa réflexion sur l’intégration des personnes handicapées. En 2014, avec comme première thématique "Handicap et Entreprise", c’est l’angle de l’emploi des personnes handicapées qui a été retenu avec une enquête qualitative réalisée auprès d’experts du secteur (responsables associatifs, responsables de structures dédiées à l’emploi) ainsi qu’une enquête quantitative auprès de dirigeants et responsables d’entreprise.

L'embauche de personnes handicapées est jugé comme un acte difficile
80% des dirigeants ou DRH interrogés considèrent que l’embauche de personnes handicapées pour une entreprise constitue un acte difficile.
Acte jugé difficile à la fois par ceux qui aujourd’hui emploient des personnes handicapées mais aussi par ceux qui n’en emploient pas (en très grande majorité il s’agit des entreprises de moins de 20 salariés). Pour les experts interrogés dans une phase exploratoire préalable à l’enquête auprès des dirigeants et DRH, il s’agit d’un acte tout particulièrement difficile pour les petites et moyennes entreprises dont les dirigeants ne savent pas à qui s’adresser compte tenu de l’atomisation du monde du handicap avec sa multitude de petits acteurs. Alors que pour les grandes entreprises, qui disposent de structures RH dédiées, elles ont connaissance des dispositifs et des réseaux.

Quels sont les freins à l'embauche justifiant le fait que seuls 58% des dirigeants jugent réaliste l'objectif de 6% d'obligation d'emploi de personnes handicapées quand 40% le jugent irréaliste ?
L’inadéquation du handicap aux exigences du poste constitue le frein le plus cité (84%) par les dirigeants, largement devant la nécessité d’aménagements ou d’équipements adaptés (57%). Le handicap est synonyme de surcoût si l’on considère qu’il faudra procéder à certaines adaptations des locaux ou du poste de travail, et ceci dans le contexte de la faible connaissance des aides allouées pour entreprendre ces aménagements. A noter que les entrepreneurs se focalisent sur le fauteuil roulant alors qu’il s’agit globalement d’un handicap très minoritaire (pour mémoire, 500 000 en France rapportés aux 8 millions de personnes handicapées).
Comme l’ont dit les experts en préambule de cette enquête, il n’y a pas un handicap mais des handicaps qui renvoient donc à des problématiques d’emploi. Ainsi, par exemple, pour des déficiences physiques ou sensorielles, une fois que sont réalisés les aménagements techniques le salarié handicapé aura à peu près la même autonomie qu’une autre et l’accompagnement peut s’arrêter là. En revanche, pour des handicaps psychiques ou mentaux, la compensation devra être humaine, cela nécessitera un accompagnement en interface entre l’environnement et le salarié handicapé, accompagnement qui devra être permanent.
C’est aussi la crainte d’une moindre productivité, frein cité par 59% des dirigeants ; à cet égard l’emploi d’une personne handicapée en termes d’image est en opposition avec les valeurs du temps. Les entreprises ne sont pas dans l’angélisme, elles sont dans la logique de l’investissement rentable ("si j’investis dans quelqu’un, il faut qu’il soit au maximum de la productivité que je lui demande").
Par ailleurs, l’enquête révèle des freins liés à la moindre adaptabilité en cas d’évolution du poste (55%) ou de crainte d’une moindre polyvalence (49%). A cet égard, les experts soulignent que la très grande majorité des handicaps survient à l’âge adulte. Se pose donc souvent la question d’une reconversion professionnelle et de l’adaptabilité à un autre secteur ou niveau professionnel.
Enfin, la contrainte d’une éventuelle réorganisation ou réaménagement des horaires de travail est soulignée par 45% des dirigeants ou DRH. L’intégration d’une personne handicapée peut complexifier l’organisation, être source d’absentéisme prolongé, voire source de jalousie en interne, d’un sentiment d’inégalité, de favoritisme.

Outre l'aspect coercitif de la loi, de nombreux facteurs motivent les entrepreneurs à embaucher des personnes handicapées, parmi lesquels l'enrichissement des relations humaines au sein de l'entreprise 
Bien sûr, il s’agit pour les entreprises de 20 salariés et plus d’éviter de s’acquitter des pénalités. Ceci étant dit, la motivation la plus partagée relève d’une qualification adéquate du candidat (facteur cité par 92% des dirigeants), suivie par la confiance envers la personne ou le réseau qui est amené à recommander le candidat (82%), mais l’embauche de personnes handicapées est aussi une affaire de conviction et, à cet égard, la sensibilité de l’équipe dirigeante sur la question est importante.
L’intégration d’une personne handicapée constitue un facteur de management par l’enrichissement des relations humaines au sein de l’entreprise (facteur de motivation pour 84%) : "L’enjeu c’est d’ouvrir un peu les esprits, donc de développer la créativité, l’innovation, l’appréhension des autres, fluidifier les rapports de travail, cela a une véritable incidence sur les rapports collectifs, dans les équipes". 76% soulignent les mérites observés auprès des salariés handicapés (conscience professionnelle, implication).
Enfin, l’emploi de personnes handicapées constitue un vecteur d’image auprès des publics externes (clients, fournisseurs, futurs embauchés), l’entreprise pouvant afficher ainsi sa responsabilité sociétale.

Des déficits de qualifications et de formations à l'origine d'un vivier insuffisant de candidats, alors que les entreprises qui n'emploient pas actuellement de personne handicapée ne se montrent pas fermées à l'idée
Par-delà ces résultats, les dispositifs en place pour faciliter l’embauche de personnes handicapées restent largement opaques, tout spécialement pour les petites et moyennes structures. Cette difficulté est entretenue par des dispositifs sans cesse mouvants, par la complexité même des textes en vigueur et par le manque d’efficacité des relais pour informer les entreprises, jugent les experts interrogés.
La qualification des candidats est en cause : "La très grande majorité des candidats dispose d’un niveau CAP ou inférieur, de sorte qu’une entreprise de conseil ou un bureau d’études auront du mal à recruter". La formation fait l’objet de griefs : une offre trop standard, ne prenant pas assez en compte la question de l’accessibilité de la formation, à la fois en termes de durée et d’amplitude des sessions.
Il existe un vivier d’entreprises pour l’emploi de personnes handicapées (en particulier celles de moins de 20 salariés) à juger la proportion importante dans la présente enquête des dirigeants d’entreprise n’employant pas de salarié handicapé à ce jour mais considérant que cela reste possible pour leur entreprise (près des 2/3), certains sous certaines conditions.

Les leviers d'action pour favoriser l'embauche des personnes handicapées
Certes il ne faut pas se voiler la face, la capacité des employeurs à embaucher des personnes handicapées est fortement dépendante de la nature des postes à pourvoir et plus précisément fortement dépendante du couple activité/effectif salarié, mais la perception de la difficulté d’embauche par rapport au type de handicap révèle un fort clivage entre employeurs actuels et employeurs potentiels et cela témoigne d’un niveau de préjugés très important. Un tel enseignement devrait encourager l’institution de périodes d’essai spécifiques (plus longues) pour rassurer l’employeur potentiel afin de l’inciter à essayer l’embauche d’une personne handicapée.
Le regard de la population sur le handicap a évolué mais il conviendrait de le faire évoluer davantage encore dans l’univers de l’entreprise et de libérer la parole au sein de l’entreprise afin de favoriser la déclaration de handicap à l’employeur dans une logique gagnant / gagnant.
Même si les aides financières ne semblent pas constituer l’élément déclencheur d’embauche (jugées importantes par moins d’un tiers des employeurs), leur simplification semble s’imposer, tout comme semblent s’imposer la simplification des circuits (une interface unique pour l’emploi) et la simplification des formalités administratives.
(Article publié par le site Ipsos)

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