L’entrée sur le marché du travail : entre soulagement et anxiété

Tout d’abord, les jeunes cadres sont souvent agréablement surpris par le décalage entre leurs inquiétudes et idées reçues vis-à-vis du travail et leur entrée effective dans le monde professionnel. Ils appréhendaient un univers particulièrement strict et exigeant, où la performance doit être constante : ils découvrent le droit à l’erreur. Ils imaginaient une ambiance austère et sérieuse : ils découvrent des moments conviviaux et les bonnes relations avec certains collègues.

Tout n’est pas simple pour autant. Les premiers pas dans l’entreprise induisent une masse considérable d’informations à s’approprier : fonctionnement des équipes process, mission… Nombreux sont ceux à témoigner de la difficulté à intégrer les codes formels, comme informels. À ce titre, les relations avec certains collègues et la concurrence entre certains salariés et la nature des rapports avec la hiérarchie peuvent être délicats à gérer.

Positive ou négative, la somme de ces critères s’avère souvent déstabilisante. D’autant qu’avant même leur entrée dans l’entreprise et quel que soit le niveau de leur confiance préalable, les jeunes cadres se heurtent à des difficultés. L’insertion s’avère difficile et ce parfois dès la recherche de stage ou d’alternance. Tout est nouveau pour eux, et cette difficulté peut perdurer jusqu’au moment de la première mobilité professionnelle, source d’incertitude même après quelques années d’expérience. 

Face aux difficultés, un besoin de repères

Pour mieux s’emparer des rouages du monde professionnels, les jeunes cadres sont nombreux à exprimer un besoin d’informations et de repères. En ce qui concerne les repères formels, ils sont demandeurs d’éléments leur permettant de mieux comprendre les enjeux relatifs au statut de salarié d’un point de vue légal. Car avant leur entrée dans l’entreprise, peu d’entre eux maitrisent les questions liées aux cotisations, à l’imposition, aux prises de congés, aux arrêts maladie… Ils estiment donc nécessaire une meilleure connaissance du droit du travail afin de mieux comprendre leurs droits, leurs devoirs et leurs responsabilités. 

Pour ce qui est des repères informels, c’est plus compliqué. Chaque entreprise possède ses propres codes et sa propre culture, qu’il s’agisse des usages vestimentaires en vigueur, des sujets qu’il est possible d’aborder ou non avec les collègues ou la hiérarchie, l’attitude à adopter en cas de conflit… L’étude révèle que nombre d’entre eux peinent également à comprendre les plages horaires à respecter alors qu’ils sont au forfait jour. 

Peu de process officiels sont mis en place par les entreprises, c’est donc aux jeunes cadres de les découvrir et les appréhender au mieux. C’est pourquoi ils aspireraient à davantage de formalisme. Et concernant les outils concrets de l’entreprise (reporting, prise de congés…), ils souhaiteraient des formations ou un tutorat.

Qu’il s’agisse de personnes vers lesquelles se tourner occasionnellement ou sur le long terme, cette nécessité de pouvoir s’adresser à des référents est très souvent évoquée. Au sein de l’entreprise, un système de mentorat permettrait de mieux comprendre les codes et éviter certaines difficultés. En dehors de l’entreprise, leurs besoins s’articulent davantage sur les aspects émotionnels et informels. L’idée étant de d’échanger sans contrainte sur leurs difficultés, voire leurs souffrances. L’étude explique également qu’ils peinent à identifier leurs capacités. Que cet accompagnement émane d’autres jeunes cadres, de médiateurs, de spécialistes des questions RH, de consultants ou de coachs, ils en attendent expertise et neutralité.

Des difficultés et besoins de repères qui s’échelonnent au fil des étapes

L’étude conclut en détaillant les difficultés et besoins de repères selon cinq moments clés de la vie professionnelle des jeunes cadres : 

  • La recherche du premier emploi : Les jeunes cadres évoquent la nécessité de pouvoir bénéficier de repères formels (accès aux offres, déroulé du process…) et informels (développement du réseau, posture au cours de l’entretien…) Certains d’entre eux témoignent avoir déjà raté des entretiens par manque d’expérience. N’ayant jamais exercé les missions qui vont leur être confiées, ils se projettent mal dans une vision précise des métiers qu’ils vont occuper. Ils évoquent aussi massivement vouloir mieux connaitre les grilles salariales. 
     
  • L’intégration dans l’entreprise : Au cours de cette phase, les attentes sont nombreuses et s’étalent de l’information préalable à l’accompagnement. Si nombre d’entreprises développent des parcours d’intégration, rares sont les dispositifs spécialement réservés aux primo-arrivants dans le monde du travail. Or, le passage du statut d’étudiant à celui de salarié peut s’avérer particulièrement anxiogène et soulever de nombreuses questions. Aussi les jeunes cadres estiment-ils important de bénéficier à cet instant d’informations supplémentaires sur le droit du travail, la période d’essai, la fiche de paye, le temps de travail, les heures supplémentaires… La prise de congé (vacances, maladie…) est également considérée comme assez floue. À ce stade, un accompagnement personnalisé est très souvent évoqué.
     
  • Le premier entretien annuel d’évaluation : Les jeunes cadres sont nombreux à estimer leur premier entretien comme décevant. Ils déplorent une trop grande verticalité, une sévérité et une certaine forme d’inutilité vis-à-vis de la suite de leurs carrières. Ainsi aspirent-ils à une information sur le déroulé formel de ces entretiens, ainsi que d’un meilleur balisage et davantage de souplesse. Certains évoquent également la nécessité d’un accompagnement spécifique sur les questions liées aux demandes d’augmentations de salaires ou d’évolutions professionnelles.
     
  • L’évolution professionnelle : Comme le démontre l’étude Apec relative au rapport des jeunes salariés au travail, ces derniers, cadres ou non-cadres, expriment davantage et plus tôt que leurs ainés une volonté d’évaluer. Mais cette volonté se heurte parfois à un sentiment d’illégitimité ou à des incertitudes quant à la bonne conduite de cette évolution. Ils aspirent ainsi à davantage de transparence sur les possibilités de la part de l’entreprise (compétences requises, fiches de poste, échéances, salaires associés), mais aussi sur les procédures pour en faire la demande. Par ailleurs, ils estiment qu’un accompagnement le moment venu serait d’une grande utilité, notamment via une meilleure information sur les capacités et les obligations de l’employeur en termes de formation professionnelle. Les managers auraient un grand rôle à jouer dans la transmission de cette information. Les jeunes cadres estiment également mal connaitre leurs droits individuels à la formation.
     
  • La première démission : Là encore, le caractère émotionnel et une certaine forme de culpabilité peut peser dans la prise de décision. Des témoignages viennent attester que certains managers adoptent une posture culpabilisante au moment de l’annonce, que les jeunes cadres peuvent peiner à surmonter. Il y a donc là aussi besoin d’un accompagnement, d’autant plus qu’en termes pratico-pratiques, une démission induit un certain nombre de repères formels à maitriser (procédure, types de rupture du contrat, préavis, droit des salariés…) Les jeunes cadres évoquent également un besoin d’accompagnement spécifique en cas de conflit avec l’employeur.

L'étude de l'Apec met donc en lumière les défis auxquels sont confrontés les jeunes cadres lors de leur entrée sur le marché du travail. Bien que certains préjugés soient dissipés, l'adaptation aux codes formels et informels de l'entreprise demeure une source de difficultés. Un point est à souligner : l’appétence des jeunes cadres pour le droit du travail et une meilleure information à chaque étape de leurs jeunes carrières. Des prérogatives qui rejoignent pleinement celle des représentants du personnel !

Lien vers l’étude : https://urlz.fr/pJ2h