[ édito ] La question de la pérennité des retraites par répartition tout comme celle de leurs financements restent posées. Avec un taux de natalité inchangé et une espérance de vie après 60 ans en augmentation, le ratio inactifs/actifs nommé « dépendance vieillesse » devrait continuer à progresser pour atteindre un niveau équivalent à un actif pour environ deux retraités. La part des retraites dans le PIB atteindrait 16 % d’ici 2040. Or les réformes successives censées assurer la pérennité du régime général ont conduit faute de financement à une aggravation de son déséquilibre financier.

Un constat qui vaut tout autant pour les régimes de retraites complémentaires un des piliers majeurs du dispositif de protection sociale pour 18 millions de salariés dont 6 millions de cadres (3,9 millions d’actifs et 2,3 millions de retraités) qui assistent depuis plus dix ans à la baisse simultanée du taux de rendement et de remplacement de leurs retraites. Une situation intenable lorsqu’on sait que les complémentaires contribuent à plus de 60 % au montant global de la pension des cadres. En l’absence de changement les taux de rendement poursuivront leur chute pour atteindre en 2050, 3,58 % à l’Agirc et 3,52 % à l’Arrco (contre 6,56 % en 2012). Une situation à fort risque pour des régimes dits solidaires. Comment pourrions-nous continuer à qualifier de solidaires des régimes dont le rendement serait au mieux égal à celui d’une assurance vie ?
À l’issue de l’accord de 2011 qui a permis la reconduction de l’AGFF jusqu’en 2018 et la stabilisation des rendements jusqu’en 2015 les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO ont évolué dans un contexte économique particulièrement défavorable. L’accord n’assurant aucun financement l’examen des comptes du 6 juillet 2012 a fait ressortir une très forte dégradation des comptes financiers avec un déficit technique des régimes de l’ordre de 1,9 milliard d’euros en 2010, et de 5 milliards à l’horizon 2018 ; en l’absence de mesures, les réserves seraient consommées dès 2017 à l’AGIRC et dès 2020 à l’ARRCO. Une situation préoccupante qui a conduit l’ensemble des organisations syndicales à ouvrir un nouveau cycle de négociation pour rechercher les voies d’un retour à l’équilibre.

C’est dans le cadre de ce rendez-vous anticipé qu’ont démarré le 22 novembre 2012 les négociations. Pour FO, l’objectif était clair : aboutir à un accord qui inscrive dans la durée les régimes complémentaires et maintienne celui des cadres dans sa forme actuelle. Cela supposait de poser clairement la question de la recherche de nouvelles ressources, notamment par une hausse proportionnée et échelonnée dans le temps des cotisations en vue d’un retour progressif à l’équilibre des régimes et sans pénaliser les jeunes générations.

Le 13 mars, au terme de 7 séances de travail les négociations ont abouti à un accord signé par FO, la CFDT et la CFTC en vue de renforcer l’efficience du pilotage des régimes et d’assurer une meilleure maîtrise des charges, sans porter préjudice aux droits des retraités et à celui des actifs. La période de moindre revalorisation a été ramenée de 5 ans à 3 ans avec pour la première année un effort plus important fourni par les cadres. La baisse du taux de réversion impactant plus fortement les femmes a été supprimée. Quant à la hausse du « taux contractuel » de cotisations retraite ouvrant des droits futurs pour les salariés, elle a été finalement actée avec un taux d’appel inchangé garantissant le maintien du rendement des régimes.

Pour FO-Cadres ce projet d’accord offre une bouffée d’oxygène non négligeable au regard de la situation critique du niveau de réserves financières des régimes. L’ensemble des mesures conduit à ramener le déficit technique des régimes en 2017 de 8,6 Md€ à 5,2 Md€ et à porter le niveau global de leurs réserves de 21 Md€ actuellement à 46 Md€. Des marges financières non négligeables pour poursuivre le pilotage des régimes. Bien que temporaires, ces mesures font toutefois peser des efforts sur les retraités ; un choix difficile en ces temps d’austérité. Mais sans accord, la situation de l’Agirc et de l’Arrco aurait été plus grave encore ; avec cette fois un risque majeur pour le versement des pensions de tous les retraités.

Ceci étant, cet accord ne règle pas tout, loin de là. Mais si nous voulons offrir de véritables perspectives pour l’avenir de notre protection sociale en général et garantir la sauvegarde de nos régimes complémentaires en particulier nous devons tenir compte de leurs besoins de financement, que le COR chiffre entre 1,7 et 2,7 points de PIB jusqu’en 2050. Pour y parvenir, l’augmentation des ressources est incontournable.Quoi de plus normal si l’on veut couvrir la croissance des besoins de protection sociale. Parmi les solutions, la hausse proportionnée des cotisations élargies au revenu du capital est tout à fait envisageable. Elle va dans le sens d’une répartition plus juste des richesses tant par la dynamisation des politiques salariales que par une réforme fiscale et une mise à plat des mesures d’exonérations sociales.

Quant au nouvel allongement de la durée de cotisation et au nouveau report de l’âge légal de départ envisagés par le gouvernement, ils seront vécus par les salariés déjà fragilisés par le chômage et la précarité comme une nouvelle injustice sociale. Sans parler du sort réservé aux plus jeunes que l’entrée tardive sur le marché du travail en raison notamment de la poursuite de leurs études supérieures, pénalisera immanquablement.

Aussi, dans l’immédiat nous devons exiger que soit mis un terme aux politiques d’austérité qui freinent toute reprise de la croissance économique et de la création d’emploi et condamnent le pays à la récession.

Eric PERES
Secrétaire général