Comme premier argument, Madame Borne a invoqué l’augmentation de l’espérance de vie et l’enjeu démographique. En effet, depuis 1982 et l’abaissement de l’âge de départ de 65 à 60 ans, l’espérance de vie a augmenté de 6,3 ans pour les femmes et 8,5 ans pour les hommes. Il serait donc logique de travailler plus longtemps.

De plus, en raison d’une chute démographique et du départ progressif en retraite de la génération « baby-boom », la France connaît depuis quelques années une diminution du ratio de dépendance. De 2 cotisants pour un retraité en 2002, ce chiffre est aujourd’hui de 1,7 et aucune projection ne le voit remonter. Selon le Gouvernement, ces éléments justifient l’allongement de l’âge de départ et de la durée de cotisation.

Mais il faut rappeler que dans le même temps, la productivité du travail augmente. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) base ses projections sur quatre scenarii de croissance à horizon 2070 : 1,6%, 1,3%, 1% et 0,7%. Concernant les trois premiers et malgré le vieillissement démographique, la part de PIB consacrée aux dépenses de retraites ne dépasserait pas 13,7%. Soit 0,1 point de moins qu’aujourd’hui. Ce sont les hypothèses les plus probables et en adéquation avec les mesures observées.

Le seul scenario susceptible de poser problème est donc celui d’une croissance estimée à 0,7% à horizon 2070. Selon ce scenario, la part de PIB consacrée aux retraites s’élèverait alors à 14,7%, soit le même qu’en 2020 et 0,9 points de plus qu’aujourd’hui. Ce qui est loin d’être insoutenable. De plus, cette projection est la moins réaliste au vu de la conjoncture économique : depuis 2009 et les conséquences de la crise économique, la France n’a connu que trois années où la croissance a été inférieure à 1. Au total, exception faite des années 2020 et 2021 et les chiffres très inhabituels engendrés par l’épidémie de COVID-19, la moyenne globale de la croissance française s’élève à 1,38%. Rapporté aux projections du COR, ce chiffre se place en deuxième position des scenarii les plus favorables.

Le rapport du COR est donc très clair : « (…) de 2032 jusqu’à 2070, malgré le vieillissement progressif de la population française, la part des dépenses de retraite dans la richesse nationale serait stable ou en diminution ». Il va même jusqu’à conclure : « (…) les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ».

L’augmentation de la productivité du travail compense donc de manière très nette la diminution du ratio de dépendance. User de cet argument pour justifier une réforme aussi brutale est donc infondé.