Dans la fonction publique elle ne peut justifier les manifestations religieuses puisqu’elle est conciliée avec le principe de neutralité du service public et la laïcité. Par extension, des salariés de droit privé qui gèrent un service public sont eux-aussi soumis à cette neutralité. Plus généralement, l’expression de la liberté religieuse est encadrée comme l’illustre la loi de 2010 qui prohibe la dissimulation du visage dans l’espace public.
En revanche, en entreprise le principe est la liberté d’expression et l’exception est l’entrave à son exercice. Cependant, si  l’entreprise relève de la sphère privée et doit préserver la liberté des salariés, elle peut la restreindre sous certaines conditions. Ainsi, la loi Travail de 2016 a inséré une nouvelle disposition dans le code du travail à l’article L1321-2-1 : « Le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ».

Oui, il peut le faire en respectant certaines conditions énoncées par le juge.
La Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu deux arrêts à ce sujet le 14 mars 2017[1] qui ont inspiré la jurisprudence française.  Ainsi, la Cour de cassation a précisé sa position dans un arrêt du 22 novembre dernier. Elle reconnait les clauses de neutralité inscrites au règlement intérieur à certaines conditions. Tout d’abord, la clause doit avoir une portée générale, c’est-à-dire interdire les signes religieux mais aussi politiques et philosophiques. C’est une condition indispensable pour qu’elle ne constitue pas une discrimination directe qui serait prohibée. En revanche, elle ne peut pas s’appliquer à l’ensemble du personnel, il faut qu’elle vise uniquement ceux pour qui cela semble justifié, en l’occurrence ceux en lien avec la clientèle. Ensuite, elle doit s’accompagner d’une obligation de reclassement de la salariée qui s’oppose à l’application de la clause à un autre poste qui serait compatible avec le port du voile. Enfin, une telle clause ne peut être issue que du règlement intérieur ou d’une note de service. Pour rappel, le règlement intérieur est un document rédigé unilatéralement par l’employeur dans lequel figure les règles relatives à l'hygiène, la sécurité et la discipline dans l’entreprise.

Il en résulte  que la seule prise en compte des exigences d’un client concernant le port du voile islamique ne permet de justifier une telle restriction à la liberté religieuse des salariés.

[1] CJUE, C-188/15 et C-157/15