Le comité précise que la durée hebdomadaire de travail autorisée pour les salariés relevant du forfait jours est excessive (78 heures soient 6 x 13 heures) et que la loi française n’impose pas que les conventions collectives prévoient des durées maximales journalière (10 heures par jours) et hebdomadaire (48 heures par semaine). De plus, si les conventions collectives ont en pratique la possibilité de le faire, il n’est pas prévu qu’elles fixent les modalités de suivi avec notamment la durée quotidienne et la charge de travail des salariés concernés.

Une telle condamnation n’est toutefois pas une première pour la France. Des décisions similaires avaient été rendues par cette même instance et sur les mêmes fondements. En réponse et loin de mettre en conformité le régime juridique des forfaits jours, le gouvernement a d’abord en 2005 avec la loi du 2 août puis en 2008 avec la loi du 20 août, aggravé la situation. En effet, depuis 2005 les non cadres « ayant une réelle autonomie » peuvent se voir soumis à un forfait jours, quant à la loi de 2008 elle a notamment permis aux salariés soumis à ce type de forfait de travailler sans fin (plus de 218 jours par an et jusqu’à 235 jours par accord individuel, voir jusqu’à 282 jours en cas d’accord collectif). Sans compter que la loi de 2008 sort du cadrage conventionnel le suivi de la durée du travail au profit d’un entretien annuel et les attributions du comité d’entreprise sont amputées du contrôle de la durée du travail.

Reste à savoir quelles peuvent être les conséquences de la décision rendue par le CEDS ?

Il faut tout d’abord souligner que cette instance du Conseil de l’Europe n’a aucun pouvoir de sanction contre un État qui ne respecterait pas ses décisions juridiques ou qui ne mettrait pas en conformité sa législation nationale avec les règles contenues dans la Charte sociale européenne.

Ce mutisme de la France n’empêchera toutefois pas les juridictions françaises à l’appui de ces décisions et à l’occasion d’un litige porté devant elles de condamner un employeur pour avoir appliqué la réglementation du Code du travail en matière de forfait jours. En réaction, l’employeur condamné pourrait à son tour se retourner contre l’État et engager sa responsabilité. L’épisode judiciaire du CNE devrait inciter l’État à réfléchir et à ne pas laisser cette décision lettre morte !

Pour FO-Cadres, les décisions du CEDS confirment les abus que nous dénonçons depuis l’entrée en vigueur en 2008 de la réforme du temps de travail, issue de la position commune signée par la CGT et la CFDT. Depuis cette date, FO-Cadres agit pour que les accords collectifs déterminent le plus précisément possible les salariés qui peuvent être soumis à ce type de forfait en définissant l’autonomie par des critères stricts et ceci afin d’éviter l’extension des forfaits jours à tous. Les accords doivent également fixer le même plafond pour le nombre de jours travaillés dans l’année et le nombre maximal de jours travaillés, soit 218 jours.

L’amplitude journalière maximale de travail doit être fixée à 10 heures par jour et non à 13 heures comme le prévoit la loi ; de même l’accord peut prévoir une amplitude hebdomadaire de 48 heures par semaine et non 78 heures comme cela est actuellement possible. Enfin, la majoration de salaire par jour supplémentaire travaillé doit être équivalente à celle du régime des heures supplémentaires.

Ce cadrage conventionnel permet de lutter contre la dérégulation sociale et la dégradation des conditions de travail des cadres, préjudiciables à leur santé et à leur vie privée. Reste à exiger que l’État respecte enfin ses engagements européens et agisse pour le respect des droits sociaux. Une démarche dont on ne peut que douter puisque le Sénat a rejeté le 31 mars une proposition de résolution permettant cette mise en conformité.