Hémicycle - Assemblée NationaleL'ordonnance entrée en vigueur le 3 avril a pour objectif de mettre fin à l’encadrement juridique chaotique qui entourait le dispositif du portage salarial mais ne profite pas de l’occasion offerte pour fixer un régime juridique de nature à sécuriser cette activité hybride et spécifique. En effet, le texte réglementaire reprend les grandes lignes de l’accord du 24 juin 2010, non signé par FO en raison notamment de l’atteinte aux règles d’ordre public du droit du travail.


Ainsi, le portage salarial se caractérise par une relation triangulaire de travail entre un salarié porté, une société de portage salarial et une entreprise cliente. Il existe ici deux contrats, un contrat commercial de prestation de portage salarial conclu entre l’entreprise de portage salarial et la société cliente ; un contrat de travail liant la société de portage salarial et un salarié porté.


Ce contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée, il comporte un certain nombre de mentions obligatoires. La durée totale du CDD ne peut pas excéder 18 mois, renouvellement inclus et il ne peut être renouvelé qu’une fois. Par accord des parties, il est possible de reporter le terme du CDD de 3 mois pour permettre au porté de prospecter de nouveaux clients.


Le contrat de travail à durée déterminée est conclu entre l'entreprise de portage salarial et le salarié porté pour la réalisation d'une prestation dans une entreprise cliente. Le CDI est conclu entre l'entreprise de portage salarial et le salarié porté pour la réalisation de prestations dans une ou plusieurs entreprises clientes.


L’ordonnance encadre également les conditions de recours au portage salarial. Ainsi, l’entreprise cliente ne peut faire appel à un salarié porté que pour une tâche occasionnelle ne relevant pas de son activité normale et permanente ou pour une prestation nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas en interne. La prestation dans l'entreprise cliente ne peut avoir pour objet de remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d'un conflit collectif de travail, d'effectuer certains travaux particulièrement dangereux. La durée de chaque prestation est limitée à 36 mois.


Le texte prévoit enfin, à défaut d'accord de branche étendu, une rémunération mensuelle minimale (75% du plafond mensuel de la sécurité sociale pour une activité à temps plein). Le salarié porté bénéficie d'une indemnité d'apport d'affaire. Elle est fixée par accord de branche étendu ou à défaut, le montant de l'indemnité est fixé à 5 % de la rémunération.


Egalement, l’ordonnance tranche certains questionnements juridiques posés ou laissés par l’accord collectif mais à la faveur des sociétés de portage. Comme l’indique notamment le rapport annexé : « l’ordonnance vise à sécuriser les entreprises de portage salarial en les assurant que leurs salariés portés sont bien à même de rechercher eux-mêmes leurs prestations… ».


C’est effectivement cette disposition qui posait juridiquement le plus de difficulté au regard des principes fondamentaux du droit du travail. Ainsi, à l’inverse de ce qu’a récemment rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 4 février 2015, l’ordonnance détermine qu’il n’appartient pas à l’entreprise de portage de fournir du travail au salarié porté. Plus encore dans le cadre d’un CDI, les périodes sans prestation à une entreprise cliente ne seront pas rémunérées. Comme l’a toujours souligné FO-Cadres, la contractualisation du portage salarial par une relation de travail à durée indéterminée ne donne qu’une apparence de CDI sans en donner les garanties !


Malgré cela, le gouvernement souligne toujours dans ce rapport que l’ordonnance offre « également un cadre protecteur pour les personnes portées car seules celles qui disposent d’une autonomie suffisante seront éligibles au dispositif ». Une sécurité toute relative tant on se souvient du contentieux qui s’est développé autour de la notion d’autonomie et du dispositif du forfait jours !


Notons toutefois que le comité d’entreprise de l’entreprise cliente peut désormais saisir l’inspection du travail en cas de recours abusif aux prestations de portage salarial selon une procédure similaire à celle applicable en cas de recours abusif aux contrats précaires (CDD et contrat de travail temporaire).


Pour FO-Cadres, le dispositif issu de l’ordonnance ne permet pas de sécuriser la situation particulière des salariés portés, s’entête à conserver la possibilité de conclure un CDI, tout comme la faculté de déroger au droit commun du contrat de travail. Notre organisation sera particulièrement vigilante dans le cadre de la prochaine négociation de branche qui devrait s’ouvrir mais surtout au sein des entreprises afin d’éviter que des cadres soient indûment exclus ou « invités » à quitter le régime du salariat !


Pour en savoir plus :


Portage salarial : Une réglementation toujours en devenir !