Le Point.fr: En quoi cette réforme des retraites est-elle critiquable du point de vue de Force ouvrière?
Jean-Claude Mailly : Pour nous, il y a quelque chose qui ne passe pas, c'est l'allongement de la durée des cotisations qui pénalise principalement la génération née dans les années 1970. Donc, des gens qui ont 40 ans aujourd'hui. Cela oblige cette génération à travailler jusqu'à 67 ou 68 ans pour obtenir une retraite à taux plein. Bref, cette réforme des retraites est une réforme anti-jeune. Et sans nécessité, qui plus est ! Les mesures d'âge ne prennent effet qu'à partir de 2020. Qui sait ce que sera la situation de l'économie en 2020 ? C'est pourquoi nous appelons à la mobilisation le 10 septembre sur les thèmes salaires, emploi, retraites, car, pour nous, tout est lié.

Pourquoi, selon vous, François Hollande tenait tant à l'allongement de la durée des cotisations?
Je remarque que c'est le seul point annoncé depuis des mois par le chef de l'État. Il y tient. Il reste accroché à l'idée que l'espérance de vie ne va cesser de s'allonger. Or, selon l'Inserm, l'espérance de vie en bonne santé a reculé d'un an entre 2008 et 2010 pour les hommes pour s'établir à 61,9 ans (62,7 ans en 2008, NDLR). Elle est stable pour les femmes. Je pense que François Hollande s'accroche à son idée pour des raisons qui sont étrangères à la réforme des retraites.

À quoi pensez-vous?
À mon sens, le marqueur de l'allongement de la durée des cotisations traduit uniquement la volonté de François Hollande d'envoyer un signal aux marchés et à Bruxelles avec lesquels il a négocié le pacte de stabilité. Sur le mode : "Vous voyez, on n'hésite pas à prendre des mesures difficiles." Nous, chez FO, nous avions proposé un plan B : ne prendre aucune mesure d'âge aujourd'hui et renvoyer l'opportunité de ces mesures à un comité de pilotage qui, en fonction de la situation du pays en 2020, aviserait. L'allongement de la durée des cotisations est le seul point sur lequel le gouvernement n'a pas bougé durant la concertation. Sur tout le reste, il a évolué et nous avons obtenu des aménagements sur la pénibilité, le travail des femmes, etc.

Concernant la hausse des cotisations, la réforme des retraites paraît plus légère que celle attendue...
Nous assumons la hausse des cotisations qui, en effet, est relativement modérée. Je remarque d'ailleurs qu'elle sera compensée s'agissant des entreprises, et que Pierre Moscovici s'est empressé de le confirmer lors de sa visite au Medef... On connaît la musique. Tous les gouvernements font craindre le pire pour annoncer des mesures moins lourdes. Quand nous avons été reçus le mardi matin par Jean-Marc Ayrault, tout était à peu près fixé. Le Premier ministre n'a pas été très explici/te sur la hausse de la CSG, qui n'a finalement pas été retenue.

 

Interviewé par Emmanuel Berretta | Le Point.fr - Publié le 30/08/2013