Une procédure complexe, encadrée mais toujours litigieuse

Depuis la réforme opérée par le décret n° 2019-356 du 23 avril 2019, la reconnaissance d’une maladie professionnelle hors tableau repose sur l’établissement d’un lien direct et essentiel entre l’état de santé du salarié et son activité professionnelle (CSS, art. L. 461-1, al. 6 et 7). Contrairement aux maladies figurant dans les tableaux réglementaires, cette reconnaissance repose sur l’avis médical d’un Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), seul habilité à trancher sur la causalité.

Pour garantir l’équité du processus, le texte prévoit un délai de 30 jours pour l’enrichissement du dossier, puis un délai de 10 jours pour formuler des observations (CSS, art. R. 461-10). Ces délais sont des délais "francs", c’est-à-dire qu’ils ne courent qu’à partir du lendemain du jour déclencheur.

Le nœud du contentieux : le point de départ des délais

C’est précisément sur ce point que les difficultés sont apparues. En pratique, les caisses d’assurance maladie notifient aux parties (salarié et employeur) un courrier identique, à partir duquel elles comptabilisent les délais. Problème : ces courriers sont datés de leur rédaction, sans tenir compte des délais d’acheminement postal. Ainsi, les délais d’enrichissement et d’observation courent souvent avant même la réception effective par les destinataires, remettant en cause leur caractère effectif.

Les juridictions du fond avaient commencé à sanctionner cette pratique au nom du respect des droits des parties, en considérant que les délais ne pouvaient courir qu’à compter de la réception effective de l’information.

Une décision attendue, mais décevante

Dans son arrêt du 5 juin 2025, la Cour de cassation tranche, mais de manière ambivalente :

  • Le non-respect du délai de 30 jours pour enrichir le dossier n’est pas sanctionné ;
  • En revanche, le non-respect du délai d’observation de 10 jours l’est ;
  • Surtout, la Cour affirme que le point de départ des deux délais est fixé à la date de saisine du CRRMP.

Autrement dit, c’est la date de transmission du dossier au CRRMP qui déclenche les délais, indépendamment de la date à laquelle les parties sont informées.

Un raisonnement contestable

Cette position repose sur une logique d’uniformisation : la Cour évoque une « économie générale de la procédure » imposant des échéances identiques pour la victime et l’employeur. Elle va donc à l’encontre d’un principe fondamental du droit de la sécurité sociale : l’indépendance des rapports entre la caisse et chaque partie.

La logique voudrait pourtant que le point de départ du délai coïncide avec la réception de l'information, seule garantie du respect du contradictoire. De plus, en désignant la transmission au CRRMP comme fait générateur du délai, elle ne tient pas compte du fait que cette transmission est étrangère aux parties et ne leur est pas nécessairement notifiée.