Dès leurs premières années, les enfants intègrent des représentations stéréotypées sur les aptitudes, les qualités et les rôles des hommes et des femmes, véhiculés, souvent de manière inconsciente, par la socialisation familiale, scolaire ou médiatique, mais aussi par l’observation du quotidien.

Selon le rapport de France Stratégie, chez les adultes, l’adhésion aux stéréotypes a diminué, mais cette baisse s’est partiellement interrompue durant la dernière décennie, et un quart des Français continuent d’adhérer fortement ou modérément aux stéréotypes de genre, avec un écart significatif entre les femmes et les hommes. On observe même une recrudescence de certains préjugés, notamment chez les jeunes (56 % des 18-24 ans pensent que « les mères savent mieux répondre aux besoins des enfants que les pères », contre 50 % en 2014).

Ces stéréotypes, souligne le rapport, « sont amplifiés par les réseaux sociaux et les plateformes numériques », qui exposent massivement les jeunes à des contenus genrés, souvent sexistes, et entretiennent des logiques algorithmiques de renforcement des biais.

Pour Clément Beaune, haut-commissaire au Plan et commissaire général de France Stratégie, le constat est clair : « Ces représentations dans les têtes nourrissent les inégalités dans les faits, les discriminations, voire les violences sexuelles ou sexistes. C’est un continuum, un esprit d’égalité qu’il faut bâtir, dès la petite enfance. »

En effet, la recherche de l’égalité entre les femmes et les hommes bute sur la persistance de stéréotypes qui s’installent très tôt − les mères sont près de trente fois plus nombreuses à prendre un congé parental, et les femmes restent prédominantes dans les métiers de l’accueil du jeune enfant − et se poursuivent à l’école, malgré les initiatives pour favoriser l’égalité entre les filles et les garçons. Ces représentations sexuées jouent sur la réussite et l’orientation scolaire, où les écarts entre filles et garçons ne se sont pas réduits depuis dix ans, puis sur le marché du travail. L’impact de la maternité sur les trajectoires professionnelles est toujours marqué et durable (la maternité conduit à un écart de plus de 30 % entre le revenu des mères et celui des pères) et la segmentation sexuée des métiers reste forte (les métiers où un sexe représente plus de 65 % des employés devraient continuer à représenter d’ici la fin de la décennie 75 % de l’emploi). (Source : Rapport France Stratégie) 

Un plan structuré en cinq axes et vingt propositions

Pour lutter contre ces stéréotypes et les inégalités qui en découlent, France Stratégie formule vingt recommandations, non comme des mesures prêtes à être appliquées immédiatement, mais comme des pistes mises en débat.

Les propositions s’articulent autour de cinq axes prioritaires :

  1. Faire de la lutte contre les stéréotypes filles-garçons une priorité politique durable ;
  2. Réduire la pénalité à la maternité et renforcer la coparentalité ;
  3. Agir à l’école pour lutter contre les stéréotypes et renforcer la culture de l’égalité ;
  4. "Dégenrer" l’orientation scolaire, les formations et les métiers ;
  5. Agir contre les représentations stéréotypées sur les réseaux sociaux et les plateformes numériques.

Éducation : sensibiliser dès la formation des enseignants

Le rapport propose ainsi que, d’ici cinq ans, « les enseignants, personnels d’éducation et psychologues de l’Éducation nationale aient tous suivi un module de formation continue pour être sensibilisés à la pédagogie égalitaire et au poids des stéréotypes de genre dans l’orientation des élèves ». Une attention particulière est portée à l’enseignement des mathématiques : France Stratégie recommande la mise en place d’équipes de formateurs spécialisés pour accompagner les pratiques pédagogiques neutres (proposition 9).

Orientation et métiers : des incitations financières pour plus de mixité

Pour combattre les biais d’orientation et les assignations genrées aux métiers, plusieurs leviers incitatifs sont proposés. L’un d’eux consiste à moduler les subventions à l’apprentissage en fonction de la progression de la mixité dans les formations : un bonus-malus plafonné à 5 % des coûts des contrats, modulé par France Compétences, permettrait d'encourager les établissements à se mobiliser (proposition 13).

Autres leviers 

Conditionner l’accès à la formation continue à des critères de mixité, en intégrant des indicateurs dans la labellisation des certifications professionnelles. Les personnes souhaitant se reconvertir dans un secteur où leur sexe est minoritaire pourraient bénéficier d’un système de bonification pour accéder aux financements publics (proposition 16).

Réformer le congé paternité et le congé parental. Il s’agirait, d’une part, d’allonger le congé paternité à dix semaines, dont six obligatoires, d’autre part de mettre en place un congé parental plus court et mieux indemnisé en ramenant la durée d’indemnisation à huit mois à partager entre les deux parents, dont trois mois par parent seraient non transférables (proposition 4).

Instaurer un bonus sur Affelnet (voeux d’orientation post-3e) et Parcoursup (vœux d’orientation post-baccalauréat) pour les jeunes filles et garçons dont les vœux d’orientation se portent sur des spécialités de formation où leur sexe est nettement minoritaire (proposition 15).

Ajouter des indicateurs de mixité dans l’index égalité à l’occasion de la transposition de la directive sur la transparence salariale (écart à la moyenne de la branche et mixité minimale). Les entreprises devraient publier l’écart par métier à la moyenne de la branche et à la mixité minimale (part des femmes/hommes inférieure à 65 % et supérieure à 35 %) (proposition 17).

Enfin, les branches professionnelles seraient appelées à bâtir, avec les acteurs de la formation et de l’emploi, des plans d’action chiffrés pour favoriser la mixité dans des secteurs stratégiques encore très genrés, notamment ceux liés aux transitions numérique, écologique et démographique (proposition 12).

Retrouvez l'intégralité des 20 recommandations dans le document en pièce-jointe.