Pourquoi cette loi ?

La loi sur le devoir de vigilance s’inscrit dans le contexte du drame survenu le 24 avril 2013 au Bengladesh, quand au moins 1 137 ouvrières et ouvriers ont péri dans l‘effondrement du Rana Plaza. Ce bâtiment abritait plusieurs ateliers de confection, qui travaillaient pour le compte de multinationales du domaine textile.

Si, au Bengladesh, le Gouvernement annonçait par la suite une augmentation du salaire minimum des travailleurs du textile, les multinationales en question n’allaient pratiquement pas être inquiétées. En effet, dans de nombreux pays du monde et notamment la France, aucune entreprise ne pouvait être condamnée en tant que donneuse d’ordres pour des manquements à une loi ou une norme sociale/environnementale par l’un de ses sous-traitants. 

Dès lors, en France, un groupe de députés a commencé à travailler sur l’élargissement de la responsabilité sociétale des entreprises. Et après un parcours législatif assez chaotique, la loi sur le devoir de vigilance finit par être adoptée. Toutefois, les articles relatifs à la possibilité de prononcer des sanctions civiles en cas de manquement aux obligations de la loi sont censurées par le Conseil constitutionnel, de même que l’obligation de consultation des syndicats et des IRP de la part des entreprises. FO a maintes fois exprimé ses regrets à cet égard.

Que dit la loi ?

La loi sur le devoir de vigilance vise à renforcer la responsabilité des entreprises multinationales dans le respect des droits de l'homme et de l'environnement. Elle s’applique aux entreprises et groupes ayant leur siège social en France et qui emploient plus de 5 000 salariés en France ou plus de 10 000 en France et à l'étranger, filiales comprises. Cela représente environ 250 entreprises. Cette loi dispose notamment que :

  • Les entreprises ont une obligation de vigilance. Elles sont tenues d'établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance afin d'identifier les risques et de prévenir les atteintes aux droits de l'homme, à la santé, à la sécurité des personnes et à l'environnement découlant de leurs activités et de celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs ;
     
  • Le contenu de ce plan de vigilance doit inclure une cartographie des risques, des procédures d'évaluation, de prévention et de suivi des risques, ainsi que des mécanismes d'alerte et de recours. Il doit également être publié sur le site internet de l'entreprise et faire l'objet d'un reporting annuel.

En cas de manquement à l’obligation d’établir, de publier et de mettre en œuvre un plan de vigilance, la loi prévoit que la partie constatant la carence, qu’il s’agisse d’un salarié, d’une OS etc…, peut adresser une mise en demeure à l’entreprise. Cette dernière dispose alors de trois mois pour rectifier la situation. Si rien n’a été fait au bout des trois mois, un juge peut être saisi afin de procéder à une injonction, pouvant s’accompagner de pénalités financières pour chaque jour de retard.

La responsabilité civile de l’entreprise peut être engagée lorsqu’un dommage survient, qu’il aurait été possible d’anticiper si le plan de vigilance avait été mis en œuvre. Toutefois, la charge de la preuve est alors à l’initiative du plaignant quel qu’il soit. Ce dernier devra être en mesure de démontrer que le manquement au devoir de vigilance a provoqué la faute, que celle-ci a occasionné un préjudice et qu’il existe une causalité entre la faute et ledit préjudice. Dès lors, des dommages et intérêts peuvent être prononcés.

Que dit l’étude ?

Cette étude se veut une synthèse du suivi de la loi et du rôle des syndicats dans son implication. Le texte ne modifie pas le Code du Travail (c’est le Code du commerce qui est concerné) mais les syndicats sont directement cités à l’alinéa 4 de l’article L. 225-102-4.-I : « Un mécanisme d'alerte et de recueil des signalements relatifs à l'existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ». Pourtant, le rapport indique que malgré tout, les OS ont encore du mal à trouver leur place dans le dispositif. Selon l’analyse IRES, « À défaut d’une implication sérieuse, le devoir de vigilance en France reste trop souvent limité à un exercice technique entre le reporting extra financier et la gestion des risques qui ne laisse pas la place au dialogue entre parties prenantes et encore moins au dialogue social. » Toutefois, le rapport affiche également que des axes d’amélioration existent.

Ainsi, FO conclut que cinq ans après la promulgation de la loi, son bilan réel demeure  en demi-teinte, en particulier en raison des tâtonnements des tribunaux et de l’absence de jurisprudence permettant de combler les carences de la législation, toujours dépourvue de décret d’application. À ce jour, le devoir de vigilance s’apparente avant tout à un exercice d’autorégulation amélioré. Par ailleurs, aucune liste des entreprises couvertes n’est disponible , ce qui rend difficile l’identification des entreprises couvertes pour une victime à l’étranger. FO rappelle ses positions en matière de devoir de vigilance, notamment la mise en place de sanctions financières effectives, l'aménagement de la charge de la preuve et l'instauration d’autorités de suivi tripartites.

Il conviendra toutefois de suivre le déroulement des débats en cours au niveau international. À ce titre, la future directive sur le devoir de vigilance européen et le projet d’instrument juridiquement contraignant sur les entreprises et les droits de l’Homme des Nations Unies sont très attendus.

Affaire à suivre !