Une nouvelle exception au principe posé en 2016

Depuis 2016, la Cour de cassation avait abandonné la logique du « préjudice nécessaire », considérant que, sauf texte particulier, un salarié devait prouver la réalité de son dommage pour obtenir réparation (Cass. soc., 13 avr. 2016, nº 14-28.293). Ce principe a toutefois donné lieu à de nombreuses exceptions, la Haute juridiction admettant que certains manquements graves de l’employeur ouvrent, par eux-mêmes, droit à indemnisation. L’arrêt du 10 septembre s’inscrit dans ce mouvement, en consacrant le caractère automatique du préjudice en cas de discrimination syndicale.

Les faits à l’origine du litige

Le salarié concerné, élu délégué du personnel en 2013, est déclaré inapte en 2019. L’inspecteur du travail avait refusé d’autoriser son licenciement, estimant que la procédure était liée à son mandat syndical. L’employeur a néanmoins attendu la fin de la période de protection pour procéder au licenciement en 2020, invoquant l’inaptitude et l’impossibilité de reclassement. Contestant la rupture, le salarié a réclamé des dommages et intérêts pour nullité du licenciement, ainsi qu’une indemnisation spécifique pour discrimination syndicale.

Si la cour d’appel a annulé le licenciement, elle a en revanche refusé de réparer la discrimination syndicale, au motif que le salarié ne prouvait pas un préjudice distinct. La Cour de cassation a censuré cette analyse.

La reconnaissance d’un préjudice de plein droit

Pour la Haute juridiction, les textes du Code du travail relatifs aux discriminations et à la liberté syndicale imposent une réparation automatique. Elle rappelle notamment l’article L. 2141-8, qui dispose que toute mesure prise en violation de la liberté syndicale est abusive et « donne lieu à dommages et intérêts ». Le juge ne peut donc se limiter à constater la discrimination : il doit obligatoirement indemniser le salarié, en évaluant uniquement l’étendue du préjudice.

Une décision à fort impact pratique

En consacrant la réparation automatique des discriminations syndicales, la Cour de cassation envoie un signal fort aux employeurs : toute atteinte à la liberté syndicale expose à une condamnation indemnitaire, sans débat sur la preuve du préjudice. Pour les salariés, il s’agit d’une garantie supplémentaire visant à rendre la protection syndicale pleinement effective.