L’un des objectifs de cet encadrement consiste à inciter ceux qui hésiteraient à s’engager dans la voie du syndicalisme à passer le pas. Ainsi, le statut dérogatoire des représentants du personnel est réel mais ne signifie en aucun cas l’exclusion de sanctions à leur égard. Comme tout salarié de l’entreprise, le pouvoir disciplinaire de l’employeur a vocation à s’exercer, sous réserve des dispositions dérogatoires au droit commun. En effet, certaines mesures sont assujetties à une procédure spécifique pour s’assurer de l’objectivité de l’employeur car « le salarié protégé est un salarié exposé[1] ». Cependant, les filets de protection mis en place ne peuvent pas empêcher toutes mesures négatives et inappropriées à leur égard. Le modèle juridique est abouti mais, concrètement, il peut être compliqué de maîtriser et d’endiguer l’ensemble des pratiques antisyndicales.

 

Une protection inefficace ? – Les discriminations sont des comportements ou des agissements qui entraînent une différence de traitement sur la base d’un motif prohibé par la loi. En France, les sources sont nombreuses afin de lutter contre toutes formes de discrimination, la première d’entre elles étant l’article 1er de la Constitution de 1958[2]. Des sources supranationales ont également vocation à s’appliquer comme l’article 2 du Pacte relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, le titre 3 de la Charte des droits fondamentaux ou encore le principe d’égalité promu par le droit primaire de l’Union européenne et par les directives européennes. À côté de ces sources constitutionnelles et supranationales, le législateur français a encadré la notion dans le Code du travail[3].

Les pratiques antisyndicales sont courantes et motivées par autant de raisons qu’elles ont d’applications concrètes. Toutefois, il est impératif de distinguer les discriminations volontaires de l’employeur de celles qui demeurent involontaires. Ayant pourtant les mêmes conséquences pour le salarié, le comportement adopté est révélateur du fonctionnement de l’entreprise. En effet, les discriminations syndicales volontaires entrent dans la stratégie de l’employeur qui agit sciemment et en toute connaissance de cause. En quelque sorte, c’est une mise en garde, un processus de dissuasion à l’égard des salariés qui souhaiteraient éventuellement se syndiquer. Au contraire, la discrimination involontaire n’est pas anticipée mais découle de l’organisation même des services. Indirectement et de bonne foi, l’employeur confierait des missions à un salarié présent à l’instant donné. C’est sur le long terme que les conséquences des discriminations involontaires sont les plus visibles[4].

 

Malgré l’ensemble des dispositifs actuels très réglementés, les pratiques de certains employeurs persistent. Il est en conséquence envisagé, pour certains, de renforcer la politique pénale[5] dans la perspective de contraindre les entreprises à s’astreindre au respect de la liberté syndicale et à empêcher, ou du moins à tempérer, toute forme de discrimination.

 

[1] J.-M. Verdier, « Les représentants des salariés : “protégés” ou exposés ? Liberté fondamentale et logique du statut », in. Analyse juridique et valeurs en droit social - Mélanges en l’honneur de Jean Pélissier, Paris, Dalloz, 2004, p. 571.

[2] « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ».

[3] Art. 1132-1 et suivants du Code du travail.

[4] L. Marie et J.-F. Pilliard, Repérer, prévenir et lutter contre les discriminations syndicales, CESE, 5 juillet 2017, p. 19.

[5] Ibid.