Les cadres du public : des contours variables selon les définitions

La population des cadres du secteur public peut être appréhendée selon deux périmètres. En retenant la catégorie A de la fonction publique, qui regroupe des emplois de conception, d’encadrement, de direction ou d’expertise, elle représente 2,2 millions d’agents (soit 39 % des effectifs de la fonction publique). Une autre approche consiste à s’appuyer sur la définition de l’Insee des « cadres et professions intellectuelles supérieures », qui recense 1,2 million d’agents, correspondant à 21 % des effectifs du secteur public.

Ces cadres sont majoritairement présents dans la fonction publique d’État (63 % des agents de catégorie A), et encore davantage pour les postes d’encadrement supérieur, dont 85 % relèvent de ce versant. Ils se distinguent aussi du privé par certaines caractéristiques : 54 % sont des femmes, contre 39 % dans le secteur privé, et leur rémunération nette mensuelle moyenne à temps plein est inférieure à celle des cadres du privé (3 796 euros contre 4 574 euros), même si des écarts existent selon les versants, notamment dans la fonction publique hospitalière.

Des mobilités vers le privé en légère progression

Les sorties de la fonction publique restent nombreuses : en 2023, près de 500 000 agents ont quitté la fonction publique civile, soit un taux de sortie proche de 9 %. Ces sorties recouvrent toutefois des situations très diverses, allant de la fin de contrat à la retraite. Les transitions professionnelles vers le secteur privé demeurent, elles, relativement marginales.

Sur la période 2008-2014, la part des agents passant du public au privé s’établissait autour de 2 % en moyenne annuelle. Les données disponibles montrent une légère hausse sur la décennie suivante : parmi les personnes présentes dans le secteur public en 2002-2003, 4,5 % travaillaient dans le privé en 2008-2009, contre 4,9 % pour celles observées entre 2011-2012 et 2016-2017. Ces mobilités concernent plus fréquemment les débuts de carrière et les agents non titulaires.

Désillusions professionnelles et recherche de reconnaissance

Les cadres interrogés expliquent leur départ du secteur public avant tout par des frustrations liées à l’exercice de leurs missions. Si l’engagement initial repose souvent sur la volonté de contribuer à l’intérêt général, la réalité du travail est décrite comme entravée par la lourdeur administrative, la lenteur des processus décisionnels et des organisations jugées rigides.

À ces contraintes s’ajoutent des conditions de travail perçues comme dégradées : surcharge de travail, manque de moyens matériels et humains, conflits hiérarchiques ou micro-management. Le sentiment d’un manque de reconnaissance, notamment salariale et en matière de perspectives de carrière, est également récurrent, en particulier chez les agents contractuels, pour lesquels la précarité des parcours et l’enchaînement de contrats courts pèsent fortement sur les trajectoires professionnelles et personnelles.

Des recherches d’emploi menées majoritairement en autonomie

Lorsqu’ils envisagent une transition vers le privé, la plupart des cadres mènent leur recherche d’emploi sans accompagnement institutionnel structuré. Ils s’appuient principalement sur leur réseau personnel et professionnel, les plateformes de recrutement et les réseaux sociaux. Les dispositifs existants sont jugés peu identifiés ou insuffisamment adaptés à leurs besoins spécifiques.

Les cadres ayant effectué l’essentiel de leur carrière dans le secteur public, sans expérience préalable du privé, expriment davantage de besoins en repères : compréhension des attentes des employeurs, valorisation des compétences acquises, maîtrise des outils et codes du recrutement. À l’inverse, dans certains secteurs où les passerelles sont plus fréquentes, les trajectoires apparaissent plus balisées et les besoins d’accompagnement plus limités.

Une transition globalement satisfaisante, au prix d’une adaptation

Une fois dans le secteur privé, la majorité des cadres interrogés estime que la mobilité répond à leurs attentes. Les ex-contractuels mettent en avant l’accès à un CDI, offrant une visibilité accrue et des perspectives de carrière plus lisibles. D’autres soulignent une meilleure reconnaissance professionnelle, tant en matière de rémunération que de valorisation du travail accompli.

Cette transition implique toutefois un apprentissage des codes du privé. La culture du résultat, la pression sur la rentabilité financière, la gestion simultanée de plusieurs projets ou encore l’exigence accrue pendant la période d’essai constituent des ajustements parfois déstabilisants. Si beaucoup apprécient l’autonomie et la capacité d’initiative offertes, certains cadres conservent un attachement à des aspects du service public, comme la sécurité de l’emploi ou un rythme de travail jugé moins soutenu, et n’excluent pas, à terme, un retour vers le public.

Lien vers l’étude : urlr.me/KMwtyN