Une réforme ciblant le partage du congé… mais peu investie par les pères
Entrée en vigueur en janvier 2015, la réforme a limité à deux ans la durée d’indemnisation du congé parental par parent, sauf dans le cas où les deux le partagent. Cette mesure visait à inciter les pères à prendre leur part du congé. Résultat, leur engagement est resté marginal : l’augmentation du recours au congé indemnisé est restée limitée à +1,4 point pour un congé à taux partiel et +0,2 point à taux plein. Chez les seuls pères dont la conjointe a dû renoncer à la troisième année indemnisée, la hausse atteint +4,4 points à temps partiel et +0,6 point à temps plein.
Plusieurs facteurs freinent cette implication : d’une part, l’indemnisation est restée forfaitaire et faible – 392,48 € mensuels pour un arrêt total –, ce qui pénalise davantage les pères aux revenus plus élevés. D’autre part, même dans les couples où les pères gagnent moins que la conjointe, le report du congé n’a pas eu lieu. Les normes sociales et les stéréotypes de genre demeurent des freins puissants, renforcés par l’idée reçue persistante du congé parental comme une responsabilité féminine, y compris dans les milieux professionnels qualifiés.
Ces résultats sont à mettre en perspective avec les récentes conclusions de l’APEC, dont nous vous parlions récemment.
Un effet mesuré sur le retour à l’emploi des mères
L’autre objectif affiché de la réforme était de favoriser la reprise d’activité des mères. Les résultats montrent une amélioration à court terme : le taux d’emploi des mères de deux enfants ou plus est passé de 56,9 % à 62,4 % lors de la troisième année suivant la naissance, soit une hausse de 5,5 points. Rapportée aux seules femmes ayant perdu la troisième année indemnisée, cela signifie qu’environ 35,7 % sont revenues en emploi dans cette période.
À moyen terme, entre les trois et six ans de l’enfant, l’effet est plus limité. Le taux d’emploi a progressé de 1 point (de 71,3 % à 72,3 %), ce qui suggère un retour anticipé à l’emploi pour certaines mères, notamment parmi celles qui seraient restées plus longtemps absentes sans réforme. Toutefois, près de deux tiers (64,3 %) des mères concernées ne sont pas retournées en emploi à la troisième année, restant en congé non indemnisé.
Des arbitrages familiaux contraints et un recours accru à la garde informelle
Parmi les mères ayant repris le travail la troisième année, seule une sur deux (54 %) a bénéficié d’un Complément de libre choix du mode de garde (Cmg), indicateur d’un mode de garde formel. Cela signifie que 46 % des familles se sont probablement tournées vers des solutions informelles – grands-parents, proches, ou garde non déclarée. Cette situation s’explique par le faible accès aux structures d’accueil pour les enfants de deux ans, en particulier pour les familles n’ayant pas trouvé de solution en crèche ou en scolarisation précoce.
Pour les cadres, cette problématique peut se poser avec acuité, dans la mesure où le retour anticipé en emploi implique souvent une continuité de carrière, des exigences horaires fortes et une exigence de disponibilité accrue. Le manque de solutions de garde adaptées constitue alors un frein indirect à la reprise effective de l’activité professionnelle.
Lien vers la page de téléchargement : urlr.me/8rvfdH