Une mobilité motivée par l’aventure plus que par un plan de carrière
Partir travailler à l’étranger au début de sa vie professionnelle est rarement le fruit d’un projet de carrière structuré. Pour la majorité des jeunes cadres interrogés, il s’agit avant tout d’une aventure humaine : découvrir une autre culture, sortir de sa zone de confort, apprendre une nouvelle langue, s’ouvrir au monde. Ce goût du dépaysement et de la nouveauté domine sur les logiques stratégiques.
Beaucoup partent dès la fin de leurs études, avec peu ou pas d’expérience professionnelle, et parfois sans emploi garanti sur place. Certains partent en Volontariat international en entreprise (VIE), d’autres trouvent un poste sur place après leur arrivée. Cette forme de mobilité repose donc davantage sur la flexibilité et la prise de risque personnelle que sur une expatriation encadrée.
Un retour souvent dicté par la vie personnelle
Le retour en France s’effectue généralement après deux à trois ans à l’étranger, et ce sont souvent des raisons personnelles qui le motivent : retrouver sa famille, construire un projet de vie stable, préparer la naissance d’un enfant… Les jeunes cadres évoquent aussi les avantages sociaux et les meilleures conditions de vie offertes par le modèle français : congés, accès aux soins, stabilité, éducation gratuite.
Pour autant, cette décision n’efface pas les incertitudes. Beaucoup anticipent un retour fluide, mais découvrent rapidement que rentrer chez soi ne signifie pas retrouver automatiquement sa place. L’adaptation est souvent plus difficile que le départ, d’autant qu’elle est rarement préparée avec autant de soin.
Une recherche d’emploi marquée par des freins persistants
La recherche d’emploi débute souvent plusieurs mois avant le retour, depuis l’étranger. Malgré un contexte de marché plutôt favorable ces dernières années, les jeunes cadres soulignent plusieurs obstacles majeurs. Le premier est l’éloignement géographique, qui limite les échanges, les entretiens et les opportunités. Le second est la faiblesse des réseaux professionnels en France, surtout pour ceux qui sont partis tôt.
Mais le point de frustration le plus souvent cité est la faible reconnaissance de leur expérience internationale. Nombreux sont ceux qui constatent que leur passage à l’étranger n’a pas été valorisé à sa juste mesure. Les recruteurs continuent de privilégier les diplômes ou des parcours plus « classiques ». Les compétences transversales développées à l’international – adaptabilité, débrouillardise, intelligence interculturelle – restent peu visibles aux yeux des employeurs.
Un second choc culturel… en rentrant chez soi
Le retour en France ne marque pas une simple reprise de la routine. Il est souvent vécu comme un véritable choc culturel inversé, plus intense que le départ. Les jeunes cadres doivent réapprendre à vivre et travailler en France : retrouver un logement (souvent sans CDI ni garant), se réinsérer dans le tissu social, renouer avec un rythme de travail différent…
Ce retour est aussi une remise en question identitaire : il faut se réadapter, parfois se justifier, et reconstruire une stabilité qui semblait acquise. Certains parlent même de vide émotionnel, voire de sentiment de solitude ou d’incompréhension. L’entourage ne comprend pas toujours la richesse de l’expérience vécue à l’étranger, et la banalise comme une simple « parenthèse ».
Une insertion professionnelle globalement réussie, mais teintée de frustrations
Malgré ces difficultés, la majorité des jeunes cadres interrogés par l’Apec trouvent un emploi relativement rapidement. Beaucoup se disent satisfaits du poste décroché. Toutefois, les comparaisons avec le contexte professionnel étranger sont fréquentes… et sources de désillusion.
Ils pointent notamment la rigidité du management français, un contrôle accru des horaires ou des tâches, une hiérarchie plus pesante, et un sentiment de manque de reconnaissance. Ceux qui ont connu des environnements anglo-saxons ou nordiques regrettent une autonomie moindre et une culture du travail perçue comme plus fermée.
Cette phase de retour peut entraîner une démotivation, voire un sentiment d’échec, quand les attentes liées à l’expérience internationale ne sont pas prises en compte. D’où l’importance d’un accompagnement spécifique à cette transition.
L’Apec formule 10 points clés pour faciliter le retour de mobilité des jeunes cadres :
- Définir clairement ses objectifs personnels et professionnels du retour
- Prendre en considération l’importance des démarches administratives et les initier avant le retour
- Envisager des ajustements temporaires ou durables de son niveau de vie
- Entamer les recherches d’emploi (plusieurs mois) avant le retour
- Réactiver et solliciter ses réseaux locaux (professionnel et personnel) alors qu’on est encore à l’étranger
- Se rapprocher d’organismes spécialisés pour optimiser sa recherche d’emploi et son projet professionnel
- Identifier en amont les difficultés potentielles et les concessions nécessaires pour une réintégration professionnelle réussie
- S’attendre à ce que son expérience à l’étranger nécessite parfois une mise en valeur pour être pleinement reconnue
- Une fois de retour en France, éviter les comparaisons systématiques avec l’expérience vécue à l’étranger
- Élargir son réseau social en se connectant avec des groupes d’expatriés ou des associations pour faciliter sa réintégration dans son pays d’origine