Il est tout d’abord utile de se souvenir quel climat d’inquiétude et de crispation avait entouré la jurisprudence du 1er juillet 2009, lorsque dans son célèbre arrêt Pain, la Cour de cassation avait considéré que la seule appartenance à une catégorie professionnelle ne pouvait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage collectif, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard de cet avantage. Cette différence restait possible mais devait reposer sur des raisons objectives dont le juge devait contrôler concrètement la réalité et la pertinence.


Cette position jurisprudentielle, qui interrogeait directement l’avenir du statut conventionnel différencié des cadres et donnait une justification toute trouvée pour niveler par le bas les avantages collectifs de l’ensemble des salariés, a par la suite été pondérée dans deux arrêts du 8 juin 2011.


Un infléchissement salué par FO-Cadres puisque, même si le principe posé en 2009 n’était pas remis en cause, la Cour de cassation considérait comme justifiée une différence de traitement fondée sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors qu’elle a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment (mais pas exclusivement) aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération.


Depuis cette date, plusieurs arrêts ont montré le souci de la Haute Cour de contrôler les motivations des juges du fond avec cette grille d’analyse, mais elle n’avait que très rarement retoqué les avantages catégoriels concernés.


Une fois n’est pas coutume et à double titre, dans un arrêt du 27 novembre 2013, la Cour de cassation estime injustifiée une prime dont les cadres sortaient « perdants » au regard des règles d’attribution. Cette prime liée à l’expérience professionnelle, issue de la convention collective nationale des centres de lutte contre le cancer, était allouée selon des taux et des durées variables en fonction des différentes catégories professionnelles. Ainsi, les cadres percevaient 1% de moins, devaient justifier d’un an d’expérience professionnelle en plus et voyaient le taux plafonné à 12% pour 18 ans alors que celui des non cadres progressait jusqu’à 20% pour 25 ans. La Haute Cour a ainsi reproché à la Cour d’appel de n’avoir pas recherché concrètement quelles étaient les spécificités ou les contraintes propres aux fonctions des non cadres qui justifieraient au regard de la prime concernée un régime plus avantageux que celui dont bénéficient les cadres.


Dans l’arrêt du 4 décembre 2013, la Cour de cassation s’intéresse à une hypothèse différente selon laquelle dans une même entreprise, deux accords collectifs distincts, applicables chacun à une catégorie professionnelle déterminée, accordent à l’une et à l’autre un avantage de même nature mais de montant différent. Il s’agissait en l’espèce d’une indemnité forfaitaire de repas issue de deux protocoles d’accord pour les salariés des organismes de Sécurité sociale, (schématiquement) un pour les cadres et l’autre pour les non cadres. Pour la Cour de cassation, l’existence de deux textes conventionnels distincts fixant des montants différents ne suffit pas à justifier l’inégalité de traitement entre les catégories professionnelles. La Haute Cour considère donc, et de la même manière, qu’il faut expliquer en quoi les spécificités propres à chacune des catégories professionnelles justifiaient que l’une soit plus avantagée.


Pour FO-Cadres, ces décisions confirment la reconnaissance de la spécificité des cadres et des avantages conventionnels associés mais appellent notre vigilance au regard des justifications à apporter et de leur contrôle.