Près de 130 congressistes, dont 34 délégués, étaient réunis les 8 et 9 juin à Chambéry, capitale historique de la Savoie, pour échanger, débattre et arrêter les différentes orientations de FO-cadres votées à l'issue des travaux. Premier de cordée, Pierre Didio, secrétaire général de l'Union départementale FO de Savoie a ouvert les discussions, en présentant la carte d'identité sociale et professionnelle du département hôte : une économie de services, tournée vers le tourisme, avec pléthore de stations de ski de renommée internationale (Tignes, Val d'Isère, Courchevel...), et d'importants centres de recherche, comme l'institut national de l'énergie solaire (Ines) ou l'office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera).

En Savoie comme ailleurs
Implantée dans ces secteurs depuis des décennies, FO-Savoie a enregistré un score de 23,48 % au cours du cycle d'élections 2013-2016, un gain de 4,5 points consolidant sa deuxième place sur le département. Des résultats qui lui ont permis de décrocher quatre sièges supplémentaires dans les conseils de prud'hommes, avec ce bémol : aucun siège dans la section encadrement, à 49 voix près. « Il nous faut, pour réussir au cours du prochain cycle de quatre ans en encadrement, remettre en route notre groupe FO-cadre savoyard : cela nous permettra d'imaginer des événements pour cette catégorie de personnel qui est en forte progression, en Savoie comme partout ailleurs », a incité Pierre Didio, avant de rappeler : « Ouvriers, employés, techniciens, agents de maîtrise, ingénieurs et cadres, nous sommes tous du même coté du contrat de travail. » Un éclairage sur une situation locale riche d'enseignement au plan national, tant les tendances ici rappelées, mutation des secteurs productifs et poids croissant des cadres et ingénieurs au sein du salariat, se retrouvent en effet à l'échelle nationale.

Un sort lié à l'ensemble des salariés
A sa suite, Eric Peres a mis en lumière le paradoxe qu'éprouvent aujourd'hui les cadres : « une augmentation numérique », lié à un besoin accru en compétences et responsabilités, avec dans le même temps une fragilisation et un certain mal-être, liés à un accroissement de contraintes que le secrétaire général de FO-Cadres a entrepris de lister : « intensification des rythmes de travail sous l'effet de la révolution numérique, développement du management par objectif, porosité des sphères de la vie professionnelle et de la vie privée, travail contrôlé et encadré par des outils d'évaluation de la performance. » Et le responsable syndical de dresser ce constat : « Dans ce contexte de dé-protection et de banalisation de leur identité professionnelle, les cadres n'hésitent plus à affirmer leur proximité avec l'ensemble des salariés. » C'est à mobiliser cette population en faveur de ses droits que s'attelle ainsi FO-Cadres, dont le rapport d'activité a détaillé les initiatives prises de 2014 à 2016 : diffusion de 18.000 guides juridiques, 151.000 pages vues sur son site internet, six colloques et journées d'études... De nombreux thèmes balayés, mettant en avant revendications (reconnaissance du statut cadre, encadrement de l'usage des forfaits-jours, prise en compte des risques psychosociaux), analyses (télétravail, Big Data RH), ou engagement dans le paritarisme, avec l'Apec. Ceci afin d'apporter sens et soutien dans un environnement professionnel à la fois chamboulé et pressurisant. Et qui va concerner toujours plus de monde : plus de 200.000 embauches de cadres ont été rapportées en 2016, un retour aux hauts niveaux d'avant la crise de 2008.

Une révolution culturelle
Plusieurs délégués ont ainsi illustré par leur exemple le sens d'un engagement syndical parallèle à leurs responsabilités au sein de l'entreprise. Cyril Herbin, délégué de la FGTA, supervise ainsi le travail d'une centaine de techniciens au sein de l'enseigne Coca-Cola, chargés d'approvisionner les distributeurs en région parisienne. « Malgré des résultats en hausse, le partage des richesses restait minimaliste », a-t-il raconté à la tribune. « Pour une augmentation, il fallait 's'arracher'. » Un constat qui a mené l'ancien sous-officier de l'armée, porteur de valeurs de rigueur mais aussi de justice, et conscient de l'importance de l'action collective, à se présenter sur les listes FO, et à se faire élire au conseil d'entreprise en 2001. Il se retrouve alors pris dans le « ronronnement » d'un fonctionnement balisé par les membres des cinq organisations syndicales historiques, reconduits scrutin après scrutin. « La loi sur la représentativité en 2008 a fait voler tout cela en éclats, constate-t-il. C'est fait ressentir le besoin de susciter une adhésion plus profonde. » Après s’être un temps uniquement focalisé sur les employés, il découvre FO-cadres, « une révolution culturelle », selon ses dires, « à l'origine d'un syndicalisme plus exhaustif » : « un passage du 'grand soir' à une évolution plus technicienne », davantage en phase avec les attentes d'un nombre croissant de salariés. Et le délégué de regretter que « les moyens de la structure restent malheureusement dérisoires par rapport à l'importance prise par le collège cadres ».

Implantation à la Défense
« Il est essentiel qu'on se développe, sinon demain, on n'existe plus », a insisté pour sa part Laurent Smolnik. Le secrétaire fédéral de FO-métaux a indiqué que son organisation réalisait à ce jour 8,84 % chez les cadres, contre 8,76 % en 2013, soit légèrement au-dessus du seuil de représentativité fixé à 8 %. Un score que permet notamment la forte implantation chez Airbus, « l'arbre qui cache la forêt », a considéré Laurent Smolnik. « Chez les constructeurs se développe une embauche d'ingénieurs et de cadres. Il y a une baisse des votants sur les premiers et deuxièmes collèges. » D'où la décision d'ouvrir un bureau à la Défense, où se trouvent la plupart des sièges sociaux des entreprises du secteur, avec la présence quotidienne de « 170.000 personnes y travaillent, dont 120.000 cadres ». « La Fédération y embauche une personne à temps plein », a précisé Laurent Smolnik, en offrant une veille juridique et un travail de communication afin de toucher une nouvelle audience, « malgré le coté Force 'ouvrière' qui nous handicape ».



Développer l'expertise
Cependant, sur certains sites, FO parvient déjà à recruter abondamment chez les cadres. Preuve en a été rapporté par Eric Coquelot, délégué de la Fédération chimie, qui raconte comment, sur son site, un centre RD dépendant d'un grand groupe automobile, tourné vers l'acoustique et l'habillage intérieur et comptant près de 70 % cadres, FO est parvenu à atteindre 78 % de représentativité et rafler la totalité des sièges de représentation du personnel. « Nous avons travaillé au sein de la section, en pratiquant l'ouverture, l'esprit d'équipe, a-t-il détaillé. Nous avons mis en place une bonne communication, en mettant avant le logo FO-cadres, pour démystifier l'aspect organisation ouvrière. » L'expertise et les réponses détaillées sur des problèmes les concernant sont ainsi parvenus à gagner les cadres, au détriment d'autres organisations qui leur étaient pourtant traditionnellement dédiées.

Craintes pour le code du travail
Au sein d'Aéroports de Paris, ce sont ainsi de même les voix des cadres, qui ont doublé, et ont permis à FO de maintenir sa représentativité. « Nous avons la réputation d’être un syndicat qui dit ce qu'il fait », assure Christelle Martin, agent d'exécution et déléguée syndicale au sein d'ADP. Une transparence qui se retrouve dans le fait que FO a signé dans l'entreprise l'accord sur le télé-travail, la diversité ou le compte épargne-temps, et ce tout en se battant dans le même temps pour la défense du statut des salariés, ou contre les projets de privatisation. En 2015, Emmanuel Macron avait en effet tenté d'opérer la cession d'ADP dans le cadre de la loi qui porte son nom. L'occasion pour la syndicaliste de pointer l'annonce faite à présent par le nouveau président de la République de révision du code du travail, dans la continuité de la loi-travail adoptée l'an dernier. Une inquiétude soulevée également par de nombreux délégués présents.

Indépendance et liberté
« Attendons de voir ce que donnera la concertation, sans faire preuve de naïveté » : c'est en ces termes que Jean-Claude Mailly, a répondu aux craintes émises face aux projets gouvernementaux en matière de code du travail. Le temps syndical n'est pas le temps politique, a rappelé le secrétaire général de FO : « à partir du moment où il y a une concertation, on s'engage, on y va. » « On juge sur les actes, je n'en démordrai pas », a-t-il insisté, en rappelant qu'il y allait des valeurs d'indépendance du syndicat et de son refus de se mêler à la scène politique, le tout en conformité avec un « réformisme syndical exigeant ». Du reste, « s'ils se durcissent après les législatives, et qu'il faut mobiliser, on mobilisera », a assuré Jean-Claude Mailly. Et tout en refusant de commenter l'actualité politique récente, le secrétaire général de FO a rappelé que l'attachement aux conventions collectives participait à son niveau à la promesse républicaine d'égalité, alors que les différentes fractures dans la société viennent elles nourrir les discours extrémistes. En décryptant les enjeux de la transformation numérique, en montrant qu'il existe des alternative à une certaine logique managériale tournée vers l'intensification, FO-cadres tente de même de participer à cette promotion des valeurs de coopération et d'une innovation soucieuse d'équilibre dans le monde du travail, et par-delà, dans l'ensemble de la société.

 

> Lire la résolution générale votée lors du Congrès du 8 et 9 juin 2017

> Lire le rapport d'activité FO-Cadres 2014-2016