tribunal-prudhommes-gilles-rolle_bloc_article_grande_imageSource : Vers une privatisation des prud’hommes ? - Capital.fr
Déjà en 1954, cette juridiction créée par Napoléon était sous le feu des critiques. Pour permettre une justice plus efficace et plus rapide, un avocat parisien, maître Hubert Flichy, vient donc de lancer le «Centre National d’Arbitrage du Travail» (CNAT) dans le 8ème arrondissement de Paris, au siège de l' Association française d'Arbitrage. Il s'agit ainsi de la première juridiction privée destinée à trancher les litiges de droit du travail.Capital.fr : Qu’est-ce qui coince avec des prudhommes ?
Hubert Flichy : Le principal souci est le temps des procédures. Celui-ci est devenu extrêmement long, avec des temps d’attentes moyens pouvant aller jusqu'à plus de 37 mois en Guyane ou plus de 2 ans à Toulouse et en région parisienne, selon les derniers chiffres du ministère de la Justice. Et encore, il faut souvent ajouter les délais d'appel du jugement. Ceci est très problématique pour les deux parties, le salarié ne pouvant pas se reconstruire, et l’entreprise pouvant difficilement gérer des dossiers aussi longs, à moins d’avoir un service juridique dédié et donc coûteux.

Capital.fr : Comment fonctionne le nouveau Centre National d’Arbitrage du Travail que vous venez de monter ?
Hubert Flichy : Il s’agit d’une association à but non lucratif, comme la plupart des cours d’arbitrage privées. Les deux parties (employé et employeur, dans ce cas) doivent être d’accord sur le recours au tribunal arbitral. Mais attention, en aucun cas, le recours à cette justice privée ne peut être exigée dans le contrat de travail. La cour se compose de 1 ou 3 arbitres. En cas de juge unique, celui-ci est choisi conjointement par les parties. En cas de jugement collégial, chaque partie désigne un juge, le troisième étant désigné par les deux premiers.

Capital.fr : Combien coûte le recours à cette justice privée ?
Hubert Flichy : Les frais sont à partager entre les parties, à hauteur de 25% pour l’employé et 75% pour l’employeur. Suite à l’arbitrage, ces parts peuvent évidemment être réévaluées si la demande de l’employé est jugée abusive. Le prix s’établit selon un barème en fonction du montant du contentieux. A titre d’exemple, pour un "petit" contentieux en droit du travail portant sur 50.000 euros, il faut compter 2.000 euros pour un juge unique et 3.000 pour 3 juges. Pour un contentieux classique portant sur 200.000 euros, respectivement 3.000 et 5.500 euros.

Capital.fr : Selon Patrick Henriot, représentant du Syndicat de la Magistrature, que nous avons interrogé, le principe même de la justice privée est contraire au principe d’égalité. Le fonctionnement étant onéreux pour les parties qui se voient dans l’obligation de payer les juges en plus des avocats...
Hubert Flichy : Le surcoût lié au paiement du jury arbitral est largement absorbé par les économies en frais d’avocats, la procédure étant beaucoup plus rapide. Les coûts pratiqués ne sont pas prohibitifs, les cours d’arbitrage commercial étant généralement 5 fois plus cher, voire beaucoup plus pour de gros contentieux.

Capital.fr : Quels sont les avantages par rapport aux prud'hommes ?
Hubert Flichy : Tout d’abord, la rapidité. Il faudra compter selon les premières estimations, entre 3 et 6 mois pour un premier jugement. Ensuite, elle devrait permettre un traitement plus en profondeur des dossiers. En effet, la durée des plaidoiries face aux conseillers prud’hommes est limitée : elles ne peuvent dépasser entre 10 et 15 minutes, rarement plus d’une demi-heure. Au CNAT, les temps de plaidoirie ne seront pas plafonnés, permettant aux juges d’être un maximum au fait de la situation. Enfin, un contentieux opposant un mandataire social et son entreprise peut être traité par le conseil d’arbitrage. Les prud’hommes se limitant aux conflits entre employeur et employé, un P-DG en conflit avec son ex-entreprise devait jusque-là se tourner vers un tribunal commercial.

François Pène

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