Marie-Alice Medeuf-Andrieu

Faisant suite à un discours introductif de Marie-Alice Medeuf-Andrieu (secrétaire confédérale FO chargée du secteur Conventions collectives), Fabien Toulemonde (DARES) a effectué une présentation du panorama des statistiques disponibles sur les éventails de salaire et l'évolution du SMIC, abordant ainsi des éléments de définition légale du SMIC, les caractéristiques des entreprises et des branches employant des salariés au SMIC, le profil des salariés au SMIC, puis les grilles salariales et la distribution des salaires (voir le PDF de l'exposé en fin d'article).

La première table ronde "Quels fondements et rôles économiques pour le SMIC ?" rassemblait Philippe Askenazy (chercheur au CNRS), Michel Husson (chercheur associé à l'IRES) et Henri Sterdyniak (économiste à l'OFCE).

La question récurrente de cette table ronde était de déterminer si la situation de l'emploi et de l'économie en France n'aboutirait pas prochainement à nuancer notre système de Salaire minimum de croissance, jusqu'à peut-être en revoir les fondements même, voire imaginer une déréglementation dudit système, au même titre que nos voisins européens. Le salaire minimum comme outil de lutte contre la pauvreté et les inégalités est-il un argument vérifié ? Par ailleurs, l'idée d'un SMIC européen est-elle valable ?

Philippe AskenazyA titre comparatif, Philippe Askenazy n'a pas manqué de rappeler que le SMIC français ne fonctionne pas comme le SMIC anglais ou allemand.
En Grande-Bretagne, on observe ainsi un SMIC "genré" et régionalisé, qui touche avant tout les femmes et les jeunes. Le salaire est plein : on n'y intègre pas les pourboires, avantages en nature, tickets restaurant et diverses primes, à l'inverse de ce qui se pratique en France ; il est également respecté, les employeurs se voyant lourdement sanctionnés le cas contraire. Avant d'envisager un SMIC européen, il faudrait que les pays se mettent d'accord sur la définition des assiettes du salaire minimum.
Pour les Anglo-Saxons, toute la problématique réside dans la mise en place d'un "salaire juste", un salaire minimal qui permet d'éviter d'être pauvre lorsque l'on travaille à temps plein.
Les Allemands bénéficient quant à eux d'une forte couverture conventionnelle avec des salaires minima de branches souvent plus élevés que les équivalents en France.
A la question de savoir quel serait l'effet sur l'emploi d'une variation du montant du SMIC, Ph. Askenazy a indiqué qu'une telle prospective est impossible à déterminer, dans la mesure où le SMIC n'évolue plus depuis des années. Il estime enfin que les inégalités d'emploi sont plus importantes que les inégalités de salaire.

Michel HussonMichel Husson estime que la France a une tendance dangereuse à se rapprocher du modèle allemand, dont l'évolution des salaires est indexée à la productivité par secteur d'activité. Dans cette logique, les secteurs industriels germaniques bénéficient de salaires minima plus élevés que les secteurs des services, puisqu'ils produisent plus qu'eux. L'idée d'un salaire minimum en Europe ne doit pas signifier salaire minimum unique : il faudrait calculer le salaire minimum  de chaque pays par rapport à un pourcentage de son propre salaire médian.

 

Henri SterdyniakHenri Sterdyniak appuie quant à lui les propos de Michel Husson en précisant que la France est le seul pays de l'Europe des 28 à garantir un salaire minimum qui représente au moins 60% du salaire médian national, quand nos voisins européens sont à 40-50% du salaire médian. L'établissement d'un salaire minimum européen devrait donc se faire avec la garantie que la France ne retrouve pas perdante. Il indique par ailleurs que le niveau de salaire, s'il reflète le niveau de développement et de productivité du pays, ne reflète en revanche pas son niveau de service.
Il complète son propos en disant que le Smic devrait assurer un niveau de vie suffisant aux travailleurs pour que ces derniers n'aient pas à bénéficier d'aides supplémentaires (comme la prime pour l'emploi, désormais supprimée), ce qui est loin d'être le cas puisque nombre de travailleurs au SMIC se trouvent en situation de précarité.

Pascal PavageauPascal Pavageau, secrétaire confédéral FO chargé du secteur Economie a conclu les propos de cette première table ronde, rappelant que Force Ouvrière est pour l'augmentation massive du SMIC, qui doit être un outil de lutte contre la pauvreté alors qu'il ne se situe qu'à 150 € du seuil de pauvreté. Un SMIC qui augmente est un outil pour créer de la croissance. De plus, FO défend l'instauration d'un salaire minimum européen calé sur 60% du salaire médian national au démarrage, et qui ne tire surtout pas vers le bas (80% de travailleurs pauvres en France contre 14% en Allemagne). Reste à savoir les conditions de mise en oeuvre d'un Smic européen. Enfin, FO s'oppose à une régionalisation des salaires, ainsi que l'Etat laisse penser que ce puisse devenir le cas.