Table ronde 2 – actes

Table ronde 2 : l’ingénieur dans l’entreprise

Table ronde animée par Eric VIAL, journaliste à France Télévisions

 

Tableronde2

 

Ont participé à cette table ronde :

Vincent COHAS, Directeur général du Centre d’Etudes Supérieures Industrielles (CESI)

Brigitte DUMONT, Directrice de la Responsabilité sociale d’Entreprise

Stéphane DISTINGUIN, Président de CAP digital

Laurent DEVIMES, Secrétaire Syndical FO Space Systems

 

Eric VIAL

Eric Vial, journaliste à France Télévisions

Eric Vial, journaliste à France Télévisions

 

La place et les fonctions de l’ingénieur ont fortement évolué depuis la révolution industrielle, et notamment depuis quelques années. Notre deuxième table ronde sera animée par la problématique suivante : quelle est la place actuelle de l’ingénieur dans l’entreprise ? Historiquement, l’ingénieur s’identifiait à la fois au patron et aux ouvriers. De nos jours, il peut occuper un large spectre d’emplois dans la chaîne hiérarchique de l’entreprise. Il se distingue cependant du reste des cadres par sa maîtrise technique. Il représente un moteur d’innovation et de progrès.

La population des ingénieurs est toutefois difficile à définir très clairement, voire à comprendre pour leurs collègues. Nous allons donc tenter de dresser un portrait de l’ingénieur en entreprise en identifiant sa morphologie professionnelle, ses atouts vis-à-vis des employeurs, mais également ses faiblesses.

Stéphane DISTINGUIN (Présentation)

Stéphane Distinguin, président de Cap Digital

Stéphane Distinguin, président de Cap Digital

 

Je suis entrepreneur, créateur de start-up et impliqué dans la vie associative. Je suis en effet président de Cap digital, pôle de compétitivité de la filière des contenus et services numériques réunissant environ 800 organisations, dont des laboratoires de recherche, universités publiques et privées, PME et grands groupes, etc. Notre objectif est de favoriser l’émergence d’une culture commune, d’animer un écosystème et de monter des projets collaboratifs de recherche. Selon Marc Andreessen, développeur du premier navigateur web complet disponible pour les systèmes d’exploitation, « le logiciel est en train de manger le monde » en intégrant toutes les industries et en faisant converger tous les métiers. Le patron d’Amazon, Jeff Bezos, a même donné son nom à la loi de Bezoz selon laquelle le prix du cloud baisse de moitié tous les trois ans. Le cloud désigne la capacité informatique à héberger du contenu et des applications dans une infrastructure extérieure en utilisant la puissance de calcul et de stockage de serveurs informatiques distants à travers un réseau. Les grandes entreprises tout comme les utilisateurs lambda ont aujourd’hui accès à ses services, à tel point que tout le monde héberge aujourd’hui son infrastructure chez d’autres.

Des mainframes des années 60 aux applications numériques actuelles, chaque génération successive de produits et d’interfaces multiplie par dix la base installée, à savoir le nombre d’objets connectés entre eux. Ces évolutions impliquent indéniablement une transformation de notre société. Les foules de spectateurs aux concerts et manifestations ne sont plus les mêmes aujourd’hui que dix ans auparavant. Presque tous sont munis de smartphones, et chacun admire désormais le spectacle depuis son écran de téléphone. Le numérique a progressivement transformé les pratiques et le paysage visuel de notre société.

Le numérique est un capitalisme qui possède du capital. La start-up française Criteo, entreprise de reciblage publicitaire personnalisé sur internet fondée à Paris en 2005 est cotée au NASDAQ depuis 2013. La création et le fonctionnement de ces entreprises coûtent de moins en moins cher, tandis qu’elles attirent de plus en plus de capitaux. Google, Apple, Facebook et Amazon ont 22 ans d’ancienneté et réunissent à elles seules un capital de 1 245,5 milliards d’euros contre 1 231,59 milliards pour les entreprises du CAC 40. Ces entreprises récentes représentent toutefois un effectif de salariés beaucoup moins important que les industries plus traditionnelles. L’industrie du numérique est extrêmement concentrée contrairement à d’autres secteurs d’activité. On constate que les grandes puissances dominent largement cette carte du monde numérique, forgent les frontières de cet écosystème et en dictent les principes de fonctionnement.

Ces grandes firmes du numérique ont toutes en commun d’être des entreprises fondées et développées par des ingénieurs. Le concept de la start-up représente le modèle néo-industriel par excellence dont commencent à s’inspirer les grandes entreprises. La société exprime certaines exigences à l’égard des start-ups : on leur demande par exemple de favoriser l’emploi par le biais d’une politique de recrutement ou d’avoir une influence positive sur la société. Cette influence reste à démontrer. Les pratiques ostensives de consommation des riches salariés de Google ont par exemple généré une série de tensions sociales à Portland, où une population plus modeste rencontre des difficultés financières et traverse actuellement une crise du logement. Les entreprises du numérique ont ainsi un véritable enjeu de redistribution à affronter.

La formation des ingénieurs doit favoriser l’émergence de vocations et de parcours de leaders. En observant les cursus des deux fondateurs de Google, Larry Page et Sergueï Brin, on constate que leur engagement dans cet écosystème ne représente pas seulement un enjeu de business, mais également un enjeu culturel. Cette nouvelle culture industrielle et populaire qui est en train d’émerger affiche une particularité : chacun d’entre nous peut se l’approprier et y participer à son échelle. Bill Gates ou Mark Zuckerberg sont avant tout des ingénieurs codeurs qui ont pris un jour la décision de se lancer dans l’industrie. L’apprentissage du code semble aujourd’hui indispensable, et désormais accessible en autodidacte depuis des plateformes internet. Le codage engendre ainsi de nouvelles pratiques pédagogiques, de nouvelles typologies d’écoles et façon d’enseigner. A ce jour, plus de 32 millions d’utilisateurs ont appris tout seuls le codage sur internet, à l’image du fondateur d’Instagram. Le code permet, depuis un input (souris, clavier), de générer un output à travers un réceptacle (ordinateur, processeur, espace de mémoire).

Des machines programmées existaient déjà au XVIIIème siècle. La discipline du computer science n’est donc pas totalement nouvelle. Le codage actuel s’inscrit dans la lignée du précurseur de l’informatique Charles Babbage, de la « première programmeuse du monde » Ada Locelace, ou encore de Grace Hopper, la conceptrice du premier compilateur (A-0 System) et du langage COBOL dans les années 50. Les machines programmables ne cessent de se multiplier tout en se perfectionnant. Il est toutefois important de réaliser que le codage n’est pas seulement un savoir industriel et une compétence technique, mais aussi et surtout une contre-culture, dont le hacking est une composante essentielle. Cela explique le modèle particulier de ces entreprises du numérique, beaucoup moins top-down que nos entreprises traditionnelles.

La France affiche un réel défaut sur le plan de la formation professionnelle et technique. Fils d’enseignant en lycée professionnel, je plaignais à l’époque les jeunes élèves de CAP, BEP ou baccalauréats techniques que j’observais travailler autour de machines. Quinze ans plus tard, lors d’un atelier du forum Tech Shop dans la Silicon Valley, j’ai eu l’occasion d’observer des jeunes du même âge travaillant sur des machines similaires. A la différence de notre vision plutôt péjorative de l’enseignement technique en France, les participants au Tech Shop se posaient tous la même question : lequel de ces jeunes ingénieurs sera le prochain milliardaire ? Cette culture du numérique en pleine expansion rencontre cependant un vrai déficit d’embauche. Plusieurs centaines de milliers de postes seront à pourvoir dans les prochaines années au sein de ces nouvelles entreprises, qui affichent 25 % de création d’emplois par an. Par ailleurs, le numérique est l’un des rares secteurs techniques à pouvoir recruter des autodidactes et à en faire des ingénieurs.

Vincent COHAS

Vincent Cohas, directeur général du Centre d’études supérieures industrielles (CESI)

Vincent Cohas, directeur général du Centre d’études supérieures industrielles (CESI)

 

Sans aller jusqu’à la Silicon Valley, nos apprentis ingénieurs de Nanterre travaillent aujourd’hui dans des structures de fab lab, (laboratoire de fabrication), dans des salles en format scale up, et selon des modes de fonctionnement novateurs. La formation technique et le métier d’ingénieur ont énormément évolué ces dernières années, sous l’effet du Big data et de la révolution numérique. Les acteurs de l’enseignement supérieur qu’ils soient privés ou publics se posent actuellement des questions sur le devenir de leur modèle économique et de l’appareil de formation. Certains secteurs et territoires rencontrent en effet des difficultés non négligeables en France. Le manque d’attractivité des filières scientifiques et techniques pose également le problème de l’attractivité du métier d’ingénieur en lui-même.

Le Centre d’Etudes Supérieures Industrielles (CESI) a été créé en 1958 par des entreprises industrielles affiliées à la métallurgie. Dans un premier temps, l’objectif était de promouvoir la formation d’ingénieurs « maison » selon une logique de promotion sociale et de montée en compétences des salariés sur les sites industriels. Le CESI fonctionne selon un principe paritaire, réunissant à la fois des chefs d’entreprises, des représentants d’organisations patronales et des cinq grandes confédérations syndicales. Le CESI ne perçoit aucune subvention, si bien qu’environ 90 % de son budget provient de contrats avec les entreprises. L’idée est de former des salariés en sessions internes ou intra-entreprises notamment par le biais de formations en alternance et de certifier les compétences des salariés. Sur les 1 200 ingénieurs diplômés annuellement par l’Ecole d’ingénieur du CESI, environ 1 000 ont opté pour la voie de l’apprentissage, et 200 ont choisi de suivre une formation continue. Même si le CESI souhaite développer le statut d’étudiant pour des raisons de rayonnement et de compatibilité avec l’international, cette logique se fera toujours dans le cadre de l’apprentissage. Depuis 1958, la structure des entreprises n’a cessé d’évoluer. Les ingénieurs sont désormais présents dans tous les secteurs d’activité et exercent des métiers très diversifiés, à tel point qu’il existe autant de parcours possibles que d’ingénieurs, d’où l’attachement du CESI à l’accompagnement du projet professionnel des salariés tout au long de leur carrière.

Au fil des décennies, le CESI a dû s’adapter au marché, aux besoins des clients, à l’émergence de la démarche qualité des entreprises et aux exigences de la CTI. Ces éléments nous ont amenés à faire évoluer notre approche en termes de recherche et de compétences. L’existence de la CTI, qui habilite les écoles d’ingénieurs en s’appuyant sur un collège d’académiques et sur un collège de professionnels, représente une réelle chance pour la profession. Au-delà du socle scientifique, un ingénieur doit absolument apprendre à travailler en équipe, développer son leadership, sa capacité d’innovation et de conduite du changement. En entrant sur le marché du travail, il doit être capable d’évoluer dans un contexte pluridisciplinaire et multiculturel, de communiquer, de travailler parfois à distance, avec des managers et des techniciens tout en ayant une vision globale et systémique. Ce socle de compétences paraît peut-être excessivement exigeant, mais il s’agit du niveau attendu en entreprise de la part des ingénieurs. Une partie de ces aptitudes peut s’acquérir lors de la formation, tandis qu’une autre partie nécessite une mise en situation. Pour qu’une expérience en entreprise soit réellement bénéfique et permette de tirer des enseignements, elle doit bénéficier d’un accompagnement et être associée à des concepts et référentiels. La formation initiale peut ainsi être complétée d’une formation continue, tout au long de la vie professionnelle. La volonté personnelle des ingénieurs est essentielle dans cette démarche.

Dans cette optique, l’école doit se donner les moyens de comprendre la réalité de l’entreprise et l’évolution constante des marchés. Les dispositifs intégrateurs d’alternance sont positifs puisqu’ils génèrent une co-production de la montée en compétence entre l’entreprise et l’école. Dans le secteur du BTP, beaucoup d’ingénieurs sont formés dans le cadre de Centres de Formation d’Apprentis (CFA). Cet exemple illustre la mise en place d’une gouvernance de l’écosystème entre le CFA, le CESI et les entreprises du secteur qui s’interrogent sans cesse sur l’adéquation entre les outils et contenus des parcours de formation, et les besoins professionnels. Notre collaboration avec le groupe Colas, leader mondial de la construction de routes, est un autre exemple des actions du CESI. Nous les accompagnons en effet depuis plus de vingt ans pour l’organisation de 500 formations internes, et connaissons donc bien leurs attentes et leurs contraintes. La structure COLAS campus propose ainsi aujourd’hui des formations à toutes les catégories de salariés, aussi bien sur des compétences transverses que sur des compétences de cœur de métier.

Dans le cadre d’un récent appel d’offres d’Airbus, le CESI a récemment été sélectionné aux côtés de l’INSA et de l’ESCP Europe pour l’élaboration d’un diplôme de master spécialisé en management de projets internationaux, et labellisé par la Conférence des Grandes Ecoles (CGE). Cette formation s’adresse à des ingénieurs ayant environ cinq ans d’expérience, employés chez Airbus ou dans leur écosystème de sous-traitance. Il s’agit ainsi de la mise en place d’un pôle d’écoles complémentaires proposant des formations adaptées à des ingénieurs en pleine évolution professionnelle sur des projets stratégiques pour Airbus.

Il est aujourd’hui très important de revaloriser la profession d’ingénieur, ainsi que les métiers de l’industrie qui souffrent d’une désaffection des jeunes. Ces métiers affichent pourtant des perspectives d’emploi et d’évolution professionnelle considérables. L’image de l’industrie en général doit pour cela être améliorée. Le CESI s’est ainsi rapproché du secteur de la métallurgie afin de mettre en place des initiatives concrètes dans une optique de réindustrialisation. Les écoles ne doivent pas se contenter de proposer des formations, mais s’affirmer en acteurs incontournables du dynamisme économique. Dans les années 80, les ingénieurs étaient encore considérés comme des héros utilisant les bienfaits de la science pour améliorer notre vie quotidienne. Aujourd’hui, les termes de crise, de désindustrialisation, de précarité et de chômage accaparent le débat public. L’ingénieur français devrait tirer parti de ce contexte difficile et mettre à profit ses compétences pour aider la société à recréer une confiance et une nouvelle dynamique économique, indispensables à une sortie de crise.

Eric VIAL

En plus d’être une femme ingénieur, notre prochaine intervenante Brigitte Dumont a également occupé le poste de directrice des ressources humaines chez Orange avant d’exercer ses fonctions actuelles de directrice de la responsabilité sociale de l’entreprise. Comment envisagez-vous les recrutements d’ingénieurs en entreprise, et comment estimez-vous qu’il est possible de valoriser ces métiers, notamment auprès de la population féminine, encore sous-représentée dans la profession ?

Brigitte DUMONT

Brigitte Dumont, directrice Responsabilité sociale d’entreprise Groupe Orange ; VP déléguée de l’ANDRH

Brigitte Dumont, directrice Responsabilité sociale d’entreprise Groupe Orange ; VP déléguée de l’ANDRH

 

Mon intervention portera essentiellement sur la politique d’Orange, qui est le groupe dans lequel j’évolue. Je souhaite partager avec vous les constats que j’ai tirés et les difficultés que j’ai rencontrées, notamment dans l’exercice de mes précédentes fonctions de DRH.

La direction d’Orange a la conviction que le digital et la numérisation vont progressivement pénétrer tous les secteurs et corps de métiers, et redéfinir la manière de travailler ensemble. En tant qu’acteurs majeurs de cette évolution, nous portons une responsabilité importante et devons impérativement nous interroger sur l’impact des technologies sur la société dans son ensemble. Dans cet objectif, nous avons mis en place le digital society forum, au sein duquel interviennent une série d’experts et chercheurs pour éclairer notre compréhension sociétale du phénomène numérique. Ce forum nous permet de développer de nouveaux services cohérents en fonction des besoins des consommateurs.

La seconde conviction d’Orange est la suivante : il est impossible de réaliser une performance économique sans performance sociale. Cette vision implique nécessairement l’idée d’une mixité indispensable au sein de l’entreprise et donc d’une représentation des femmes à tous les niveaux de responsabilités. Rappelons que le groupe emploie environ 165 000 collaborateurs dans le monde et affiche un taux de féminisation de 37 %. En 2010, le président d’Orange s’est engagé à ce que 35 % de femmes exercent dans la hiérarchie managériale et dans les comités de direction du groupe. Cet objectif s’annonçait extrêmement ambitieux et relativement difficile à atteindre. En effet, le taux de féminisation se déclinait en 50 % de femmes dans les fonctions support, 50 % dans les activités de relations clients, mais seulement 11 % de femmes dans les réseaux. La population de l’entreprise ayant contribué à la construction du réseau était essentiellement masculine, ce qui se ressent aujourd’hui dans la composition des effectifs. Les activités plus récentes telles que la Recherche et Développement, le marketing stratégique ou les métiers du SI affichent une féminisation d’environ 25 %.

Les entreprises de High-tech rencontrent en effet des difficultés à recruter des femmes sur les métiers techniques. Si environ 50 % de nos clients sont des femmes, nos équipes de conception et d’élaboration de nos produits sont constituées de seulement 25 % de femmes. Il nous semble nécessaire d’augmenter le taux de féminisation pour favoriser une meilleure adéquation de nos produits et services en fonction de la clientèle. Nous avons donc pris des engagements de politique RH en faveur de l’égalité professionnelle, à la fois lors du recrutement et au cours de la vie professionnelle du salarié par le biais d’une politique de promotion. Sur le plan du recrutement, nous avons été confrontés à un nombre trop faible de candidatures féminines. Les jeunes filles s’engageant moins dans la voie des classes préparatoires et des écoles d’ingénieur, l’université représente pour nous un potentiel vivier de talents et une opportunité de féminiser nos effectifs.

La direction d’Orange a également décidé d’intervenir en amont, dans les collèges, lycées, et dans l’enseignement supérieur pour que des femmes ingénieurs aillent à la rencontre des classes et leur présentent en quoi consiste ce métier. L’objectif est ainsi de favoriser leur orientation vers des formations scientifiques et techniques qui leur permettront ensuite de trouver un emploi. De plus, Orange a entrepris le lancement d’une étude particulière sur le rapport entre les filières scientifiques et techniques et les femmes. On y découvre que les filières scientifiques et techniques sont celles qui résistent le mieux à la crise et créent le plus d’emplois. Malheureusement, même dans le cadre de ces filières, les choix d’orientation demeurent stéréotypés. Cela signifie qu’elles ne se projettent pas dans nos métiers, et se dirigent plus facilement vers les métiers de l’habillement et de la mode plutôt que vers la production et le numérique. Elles préfèrent aussi la chimie ou l’agronomie alors même que ces secteurs sont davantage touchés par le chômage et par les écarts de salaires entre hommes et femmes.

Nous devons attirer l’attention des jeunes filles en leur montrant que les technologies du numérique vont répondre aux motivations qu’elles expriment lorsqu’elles se projettent dans leur avenir. Les études montrent en effet qu’une grande majorité de jeunes filles souhaite que leur profession ait une incidence positive sur la société ou sur l’environnement. Cet impact semble assez évident dans des activités médicales ou agronomiques, mais moins dans le numérique. Nous souhaitons donc les convaincre de l’énorme potentialité du numérique en termes de progrès social et d’amélioration de nos sociétés, notamment en leur prouvant que la digitalisation et la numérisation vont pénétrer tous les secteurs. En choisissant une entreprise de High-tech telle qu’Orange, elles auront la possibilité d’orienter cette révolution numérique vers des objectifs sociétaux et environnementaux qui correspondent à leurs aspirations.

Les effectifs féminins de talent ne manquent pas au lycée. Il est désormais essentiel pour nous de les inciter à se lancer dans des classes préparatoires puis dans des formations d’ingénieurs, pour ensuite les recruter à leur sortie d’école. Dans cette optique, nous avons déployé en France l’initiative européenne du shadowing, qui consiste pour un observateur à suivre une personne ressource toute une journée. Ainsi, des collaboratrices d’Orange titulaires d’un diplôme d’ingénieur prennent en charge des jeunes filles pendant toute une journée pour leur montrer en quoi consiste le métier. Elles comprennent ainsi que ce diplôme permet non seulement d’exercer des fonctions d’ingénieurs, mais également d’accéder à une grande diversité de postes au sein de l’entreprise. Cette expérience élargit la vision de ces jeunes filles, qui perçoivent ainsi l’étendue des parcours et des activités possibles après une formation technique, et leur permet de se projeter vers un nouvel avenir professionnel qu’elles n’avaient pas envisagé auparavant. Cette initiative du shadowing a été déployée tout d’abord à l’échelle européenne, avant d’être étendue au Moyen-Orient et en Afrique. Orange participe également aux côtés de huit autres entreprises à l’initiative Capital filles, qui cible les jeunes filles issues de milieux sociaux défavorisés ou de quartiers difficiles. A ce titre, environ 500 salariées se sont engagées à prendre en tutorat une lycéenne afin de l’orienter vers un choix d’étude cohérent qui lui permettra d’accéder à l’emploi de son choix, s’autonomiser financièrement et trouver sa place dans la société.

Laurent DEVIMES

Laurent Devimes, délégué syndical FO Space Systems

Laurent Devimes, délégué syndical FO Space Systems

 

L’entreprise Space systems fait partie du groupe Airbus, et plus particulièrement de sa branche Airbus Defence and Space. A mon entrée dans l’entreprise, je ne possédais pas encore le statut d’ingénieur. Titulaire d’un bac + 3, j’ai tout d’abord intégré la société Aérospatial, dans laquelle j’ai suivi une formation d’ingénieur en alternance pendant presque deux ans. La situation actuelle de l’ingénieur au sein de l’entreprise soulève des questions quant à son avenir. Space systems réunit actuellement environ 2 000 salariés dont 80 % sont des ingénieurs, tous plus talentueux les uns que les autres. Une certaine hostilité surgit parfois entre eux, en fonction des groupes d’écoles dont ils sont issus. A l’issue de mes deux ans de formation, je m’attendais à ce que me soit accordée une certaine reconnaissance liée à mon nouveau statut d’ingénieur, ce qui ne fut pas le cas.

L’entreprise demande aujourd’hui à l’ingénieur d’être à la fois créateur et rentable, et d’être réactif tout en respectant rigoureusement une série de processus à faire valider par sa hiérarchie. Elle gère désormais la masse salariale selon un principe de compétitivité. Chez Space systems, un benchmark a été réalisé pour évaluer la structure de rémunération de nos concurrents. Nous avons remarqué que Thalès ou OHB-System employaient beaucoup plus de techniciens que nous. Space systems a donc explicité sa stratégie d’augmenter les effectifs de techniciens, dont les missions s’apparenteront tout de même à celles d’ingénieurs. La compétitivité interne à l’entreprise s’en trouve ainsi accentuée. Concernant la parité, nos effectifs d’ingénieurs sont constitués d’environ 23 % de femmes, soit une part relativement similaire à celle des étudiantes en écoles d’ingénieurs. Parmi ces salariées, toutes ne pourront pas accéder à des postes de cadres dirigeants pour autant.

Pourquoi devenir ingénieur ? Ma motivation personnelle à suivre cette formation était de pouvoir accéder à des postes plus intéressants et de favoriser mon évolution de carrière à travers une meilleure rémunération et une promotion sociale. Du point de vue syndicaliste, comment défendre à bon escient les intérêts de l’ingénieur ? Ce dernier est présent à tout niveau hiérarchique, et à chaque secteur d’activité de l’entreprise. Il remet donc difficilement en question ce que l’entreprise lui inculque. Cette attitude est probablement favorisée par l’importance accordée à la discipline et à la rigueur au sein de sa formation. Le syndicat a la responsabilité de lui apporter d’autres éclairages sur les messages qui lui sont adressés par la direction. Au-delà d’une volonté de monter en hiérarchie et en responsabilité, les objectifs de l’ingénieur en entreprise demeurent relativement flous et dépendent largement des volontés et motivations personnelles. Son investissement dans l’activité de l’entreprise l’empêche parfois de refuser les injonctions ou orientations qui lui déplaisent. La clause de forfait jours ou de forfait heures dans les contrats de travail des cadres fait notamment partie des mesures qui ont contribué à augmenter le temps de travail effectif des ingénieurs. Cela constitue aussi une façon pour l’entreprise de doper sa compétitivité. Par ailleurs, le salaire moyen d’embauche des ingénieurs dans le cadre de leur premier emploi ne fait que diminuer, et se situe depuis quelques années au-dessous du plafond de la sécurité sociale.

Nous devons trouver un moyen de syndiquer les ingénieurs en les intéressant davantage à notre message. Sur notre site, le taux de participation aux élections professionnelles s’élève tout de même à 70 %, ce qui indique une possibilité de mobilisation encore trop peu exploitée.

 

Débat avec la salle

Frédéric PLANCHE, Délégué syndical central FO d’Airbus Defence and Space

Il existe une vraie discrimination à l’encontre de ceux qui ont fait une formation continue et sont devenus ingénieurs « maison », par rapport aux diplômés des écoles. Dans la vie quotidienne en entreprise, on se rend pourtant compte que certains salariés sans titre d’ingénieurs ont parfois plus de compétences et d’intelligence de travail que d’autres ayant fait Polytechnique.

Je m’inscris en faux contre les entreprises qui veulent embaucher des techniciens pour faire baisser la masse salariale en leur confiant des missions d’ingénieurs. Mais je suis tout à fait favorable à celles qui embauchent des techniciens dans des postes appropriés à ce niveau de qualification, dans l’optique de favoriser si besoin leur accession au titre d’ingénieur par le biais d’une formation en interne.

Eric VIAL

Les ingénieurs « maison » existent-ils encore ?

Brigitte DUMONT

Chez Orange, nous recrutons à tout type de niveau, dont celui de technicien et celui d’ingénieur. Nous conduisons depuis plusieurs années une politique de formation continue très importante, qui s’appuie sur des contrats de professionnalisation. En 2012, environ 63 % des effectifs d’Orange avaient plus de 45 ans, tandis que 44 % avaient plus de trente ans d’ancienneté. De nombreux collaborateurs ont intégré le groupe juste après l’obtention de leur diplôme et y ont effectué toute leur carrière. Une politique très volontariste a été mise en place afin de mettre en place des Validations d’Acquis de l’Expérience (VAE) collectives, des contrats de professionnalisation d’une durée de trois à dix mois et débouchant sur un diplôme, sur un Certificat de Qualification Professionnelle des Télécoms (CQPT) ou sur une certification Orange en partenariat avec une institution reconnue (Sciences Po, l’ESSEC, Télécom Lille, etc.) En fonction de la qualification souhaitée, le salarié et sa hiérarchie identifient l’institution la plus adaptée. Ces dispositifs permettent ainsi à des techniciens d’accéder à des postes d’ingénieurs.

Un intervenant

Aujourd’hui retraité, j’ai exercé en tant qu’ingénieur chez Orange. Concernant l’intégration des femmes dans ces métiers, j’observe qu’elles baignent dans la digitalisation tout autant que les hommes. Elles souhaitent toutefois exercer un métier qui leur permet d’influencer l’avenir. Je constate dans mon entourage que des jeunes filles brillantes en études sont ensuite très déçues du fonctionnement réel des entreprises et se tournent ainsi vers d’autres carrières.

Brigitte DUMONT

Selon nos observations, le désir qui s’exprime majoritairement chez les jeunes étudiantes est d’exercer plus tard un métier qui aurait une influence positive sur la société. Je rejoins votre intervention sur l’idée que les femmes baignent effectivement dans la digitalisation. C’est pourquoi nous souhaitons les convaincre qu’en nous rejoignant et en maîtrisant ces technologies, elles pourront participer à la création des futures offres de produits et services qui seront demain à la disposition de tous nos utilisateurs.

Une intervenante

Le quatuor des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) qu’a précédemment évoqué Stéphane Distinguin représente environ 10 % des revenus en France, mais seulement 3 % des emplois, 2 % des investissements et 1 % des impôts. Son modèle social et économique est ainsi largement discutable. Les conditions de travail des intérimaires d’Amazon embauchés sur les plateformes ont suscité plusieurs fois la polémique, notamment à Montélimar où une série d’abus a été signalée. L’infime proportion d’ingénieurs qui deviennent milliardaires contourne ensuite la fiscalité et néglige les conditions de travail de leurs salariés. Ils sont loin de proposer le modèle social et économique idéal.

J’exerce chez Orange, et fais partie d’Info’Com. Nous réfléchissons beaucoup sur la rupture des limites de temps et d’espace qu’implique la digitalisation. Les salariés sont désormais amenés à être disponibles 24 heures sur 24. Cette évolution menace l’égalité professionnelle, puisque beaucoup de femmes sont réticentes à se lancer dans les métiers du numérique par crainte que leur activité professionnelle soit incompatible avec leur vie de famille. Une charte en faveur de l’équilibre des temps de vie a récemment été rédigée sous l’égide du Ministère des Droits des femmes, et signée par Orange au mois d’octobre 2013. Les principes de ce texte ont l’objectif de limiter le mailing et les pratiques professionnelles empiétant sur la vie privée. Leurs conséquences négatives sur le plan de l’inégalité professionnelle sont par ailleurs avérées. Cette charte a vocation à être largement affichée et diffusée, ce qui n’a pas encore été fait. Le manager digital doit effectivement être un manager aux qualités humaines, mais ce leitmotiv nécessite la mise en place de mesures tangibles.

Eric VIAL

On distingue souvent la vie professionnelle de la vie privée en exigeant leur séparation claire. Ne serait-il pas plus judicieux de lier les deux dans le cadre de négociations afin de favoriser leur complémentarité ?

Françoise CHAZAUD, Secrétaire générale de la FASAP-FO et déléguée syndicale centrale chez France Télévisions

Je souhaitais aborder la question du temps de travail, qui ne cesse de s’allonger sous l’effet des nouvelles technologies. Au service de communication de France Télévisions, l’habitude de répondre aux mails à des heures très tardives s’est progressivement instaurée sans que ce fonctionnement ne soit remis en cause par les salariés. La Direction générale a pris connaissance du phénomène et a mis un terme à cette pratique en bloquant l’envoi et la réception de mails sur les adresses professionnelles à partir de 20 heures. La responsabilité n’était pas vraiment attribuée à la direction, mais plutôt aux cadres et salariés qui n’osaient plus mettre un terme à ce cercle vicieux en cessant de répondre la nuit.

J’estime que le droit à la vie personnelle devrait être lié au fonctionnement de la vie professionnelle, inclus dans le droit du travail et revendiqué par les organisations syndicales. Les salariés deviennent parfois prisonniers des nouvelles technologies, mais devraient pourtant avoir le droit de ne pas répondre aux sollicitations continues, d’autant plus que ces actes effectués en dehors du temps de travail peuvent conduire plus facilement à commettre des erreurs professionnelles par manque de concentration.

Serge BENGUIGUI, délégué syndical central FO chez Air France

Sur les 7 000 cadres chez Air France, environ un tiers sont des cadres techniques, dont la moitié sont des ingénieurs exerçant dans l’entretien robotique et l’informatique. Afin de comparer notre situation à celle de vos entreprises, je souhaiterais vous faire part des trois catégories dans lesquelles je classerais les ingénieurs d’Air France :

–        Les ingénieurs diplômés des grandes écoles, dont les cursus de carrière et les conditions d’embauche sont nettement plus favorables que ceux des autres ingénieurs ;

–        Les ingénieurs diplômés d’écoles jugées moins prestigieuses : FO exige depuis longtemps que la direction d’Air France fournisse une liste précise des grandes écoles, sans jamais l’obtenir. Il serait intéressant pour nous de savoir si cette différenciation est également effectuée dans d’autres entreprises, et quelles sont les écoles ou réseaux qui y sont favorisés ;

–        Les ingénieurs qui possèdent le diplôme, mais dont le titre n’est pas reconnu. Cette catégorie inclut un nombre important de salariés dans le domaine de l’aéronautique, pour lequel aucune école ne prévalait jusque dans les années 80. Air France possédait en effet son propre centre de formation de mécaniciens d’avion. Ayant besoin d’ingénieurs supplémentaires, le secteur a fait appel au CESI pour mettre en place des cursus de formation continue d’ingénieurs.

Ces trois catégories ne bénéficient pas des mêmes perspectives d’évolution et ne peuvent prétendre au même statut social en entreprises. Malheureusement, certains ne deviendront jamais cadres supérieurs dirigeants, puisque l’accession à des fonctions managériales demeure extrêmement conditionnée par la formation initiale des salariés. Nous devrions concevoir un moyen de cibler les attentes des diverses catégories d’ingénieurs, et une stratégie pour les aider à évoluer en entreprise.

Un intervenant, Airbus

Le titre d’ingénieur correspondait avant à un statut social. Aujourd’hui, les ingénieurs sont considérés comme une main-d’œuvre bon marché, prête à exercer du temps de travail supplémentaire. Chez Airbus, les jeunes ingénieurs britanniques et allemands ne sont pas immédiatement considérés comme des cadres à leur arrivée dans l’entreprise. Ce statut spécifique de professional leur assure la rémunération d’heures supplémentaires s’ils dépassent leur temps de travail initial.

Un intervenant, Valeo

Je rencontre souvent des ingénieurs qui, grâce à leurs compétences techniques deviennent ensuite des managers, sans pour autant avoir les capacités et compétences humaines pour exercer ces fonctions. Le management nécessite des apprentissages et des qualités particulières, et ne devrait pas se résumer à un moyen d’ascension sociale. Le statut de cadre ne devrait peut-être pas être attribué automatiquement, mais conditionné par l’exercice de réelles fonctions d’encadrement. De nombreuses écoles d’ingénieurs ont progressivement diversifié leurs enseignements en y intégrant des formations managériales. La qualité de ces enseignements doit toutefois être surveillée, car les conséquences d’un mauvais management peuvent s’avérer catastrophiques sur l’ambiance, les conditions de travail et le bien-être des salariés.

Eric VIAL

Vous dissociez donc les fonctions d’ingénieur et celle du manager. Etre brillant dans l’une de ces activités ne signifie pas forcément que l’on réussisse dans l’autre.

Brigitte CAPELLE, Secrétaire fédérale FO Métaux

Ancienne salariée chez Airbus, je suis initialement ingénieure et titulaire d’un doctorat de chimie. Quel est le profil recherché par l’entreprise lorsqu’elle souhaite recruter un ingénieur ? Quelle est la hiérarchie entre la multitude de compétences techniques et humaines attendues d’un jeune diplômé d’une école ?

Une intervenante

En sortant de l’époque, les ingénieurs ont avant tout des connaissances techniques qui deviennent rapidement obsolètes sous l’effet des rapides progrès technologiques. L’orientation vers des fonctions managériales représente donc pour eux l’une des seules alternatives. Comment serait-il possible d’actualiser régulièrement les savoirs des ingénieurs, sans passer par un cycle de formation trop lourd ?

Un intervenant, Administrateur du CESI

Quelques décennies auparavant, on considérait qu’un ingénieur était opérationnel au bout de trois ans. Aujourd’hui, les entreprises recrutent un nombre toujours croissant d’ingénieurs, mais consacrent de moins en moins de temps à leur formation, d’où l’intérêt de l’alternance, qui implique les entreprises dans la formation des jeunes et les incite à investir du temps et des moyens en ce sens.

Brigitte DUMONT

Je considère que la séparation entre vie professionnelle et vie personnelle est une problématique qui concerne tout autant les femmes que les hommes, et aussi bien les fonctions de terrain que les fonctions managériales. L’équilibre des salariés est indispensable à l’épanouissement professionnel et au dynamisme, ce sujet devrait donc être abordé et traité avec le plus grand sérieux par les entreprises. La conciliation entre vie privée et vie professionnelle ainsi que la parentalité sont des enjeux qui concernent l’ensemble des collaborateurs et suscitent l’intérêt de tous. Orange affirme très clairement que la parentalité concerne à la fois les hommes et les femmes, et a d’ailleurs déployé un important effort de communication en ce sens. Nous avons par exemple conçu des supports de communication présentant des collaborateurs masculins qui ont opté pour un temps partiel ou pris des congés parentaux, afin de montrer que ces dispositifs ne sont pas uniquement destinés aux femmes.

Le problème de la hiérarchie implicite entre les grandes écoles d’ingénieurs et les autres constitue un vrai sujet sur lequel nous devons tous travailler. Cependant, les entreprises sont incapables de résoudre à elles seules tous les problèmes liés à la culture et à la tradition française. Je citerais un exemple relativement significatif : alors que les communiqués de presse publiés par Orange en France citent les écoles dont sont issus les cadres dirigeants, ceux de nos joint-ventures en Grande-Bretagne indiquent uniquement les entreprises dont ils proviennent. Lors de ma nomination au poste de directrice de la responsabilité sociale d’entreprise, la première version du communiqué de presse annonçant mes nouvelles responsabilités faisait encore référence à mon école de formation. Ma nomination à ce poste correspondant plus à mon parcours qu’à mon diplôme en tant que tel, j’ai préféré que cette mention peu pertinente soit retirée. Cette anecdote est révélatrice d’un esprit typiquement français, très attaché à la formation d’origine.

L’entreprise peut difficilement faire évoluer ces mentalités très ancrées, mais a tout de même la capacité d’agir sur le leadership, et les critères à prendre en compte pour l’évaluation des salariés. Par exemple, l’extrême valorisation du présentéisme entraîne des excès et incite les salariés à se rendre tout le temps disponibles. A propos du blocage des mails, certains collaborateurs de l’entreprise m’ont confié qu’ils préféraient quitter les locaux plus tôt dans l’après-midi pour vaquer à leurs occupations familiales et consacrer du temps à leurs enfants, avant de rouvrir leurs boîtes mails en début de soirée. Sur ces sujets, une régulation interne et managériale doit être mise en place pour ne pas valoriser automatiquement les salariés se montrant opérationnels et disponibles sur leur temps libre. L’entreprise a ainsi le pouvoir d’agir grâce à un choix de leadership judicieux et intelligent.

Vincent COHAS

Il revient à chacun d’entre nous de prendre du recul et de relativiser les hiérarchies entre formations, qui sont principalement liées à la culture et aux rivalités traditionnelles entre écoles. Les ingénieurs ont la chance de bénéficier de multiples possibilités d’évolution, il serait dommage d’uniformiser les parcours et de supprimer cette diversité par la mise en place d’une formation type.

Le métier d’ingénieur informaticien est particulièrement concerné par la problématique d’actualisation régulière des connaissances. Il me semble que l’une des compétences transmises à l’école est justement la capacité d’apprendre. Un large socle de connaissances acquises lors des études reste utilisable tout au long de la carrière, tandis que d’autres doivent évidemment être régulièrement mises à jour. Cet effort est tout à fait réalisable avec un minimum de motivation.

Laurent DEVIMES

Le seul fait d’évoquer la conciliation entre vie privée et vie professionnelle montre que l’on a perdu des repères. L’équilibre entre les deux devrait être une évidence non discutable, ce qui n’est plus le cas. En effet, l’entreprise s’inscrit aujourd’hui dans une compétition économique permanente, et attend donc le maximum de temps de cerveau disponible de la part de ses salariés. Les nouvelles technologies n’en sont pas la cause, elles ne sont qu’un moyen favorable à cette logique de productivité. Cette situation n’est pas tolérable, mais elle correspond malheureusement à une réalité. Le seul moyen de retrouver un équilibre est tout simplement de se référer systématiquement au code du travail, qui apporte toutes les réponses aux questions actuelles concernant le temps de travail légal.

 

Retrouvez les actes du colloque, table ronde par table ronde :

Ouverture du colloque
Interventions préliminaires
Table ronde 1
Table ronde 3
Clôture

 

Biographie des intervenants (ici)

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