Secrétaire général de FO-Cadres
Nous avons compris lors de la première table ronde que la figure de l’ingénieur n’est pas une figure monolithique. Elle s’est construite autour de la notion de technique, de savoir. Les ingénieurs ont été les premiers à s’organiser en catégorie sociale et professionnelle. Comment la figure de l’ingénieur est-elle amenée à évoluer ? Les intervenants à la deuxième table ronde nous ont montré que les ingénieurs ne sont pas des salariés à part, mais qu’ils sont liés à un contrat de travail et partagent donc les préoccupations de leurs collègues en entreprise. Les questions de la rémunération, de la mobilité ou encore du parcours professionnel sont tout autant de sujets qui soulèvent leur intérêt. Il est désormais rare d’effectuer toute sa carrière dans une seule entreprise, la sécurisation des parcours représente donc un enjeu essentiel.
Historiquement, la mission des ingénieurs était de limiter la souffrance humaine et d’améliorer la condition de la société grâce à la science et la technique. Aujourd’hui, on constate une désaffection pour la technique et une tendance au basculement des ingénieurs vers la finance. Les nouvelles technologies numériques sont certes largement considérées comme un moyen de rationaliser les coûts et d’augmenter la productivité, mais elles offrent également l’opportunité formidable de réinventer l’industrie et le métier d’ingénieur. Encore faut-il s’en emparer.
L’émergence de nouvelles notions telles que celle d’ingénieur-citoyen ou de responsabilité sociale illustre une certaine volonté d’attribuer à l’ingénieur un rôle social dans la restructuration de la société. De son côté, la section Cadres de Force Ouvrière n’a pas la prétention d’imposer un projet aux ingénieurs, mais elle souhaite simplement garantir une formation de qualité afin de conserver l’excellence qui caractérise le métier d’ingénieur en France. Je suis personnellement très attaché aux grandes écoles tout comme aux grandes universités, et m’oppose à toute tentative de mise en concurrence entre ces deux types d’institutions. Afin d’éviter les éventuelles dérives, la CTI mène un travail indispensable de certification et d’audit des écoles aptes à délivrer cette formation.
En 2016, l’introduction d’une nouvelle directive sur la reconnaissance des diplômes et des formations dans l’Union européenne posera la question des professions réglementées. A ce titre, les ingénieurs semblent tiraillés entre le syndicalisme ouvrier et leur ambition de faire partie d’une élite. Pour sa part, FO considère que les ingénieurs sont des salariés comme les autres que le syndicat doit défendre. Nous devons par ailleurs rester attentifs aux récentes évolutions européennes et notamment au projet d’une carte d’ingénieur. Cette initiative entraînerait une accréditation de la profession au niveau européen, remettant ainsi en cause les conceptions nationales du métier d’ingénieur. Nous rencontrerons prochainement le directeur de cabinet du Ministère de l’Enseignement et de la Recherche afin d’en discuter.
Enfin, la formation des ingénieurs est également soumise à la pression économique de certains acteurs qui souhaiteraient voir la durée des études raccourcie. Un tel abaissement de la durée de formation aurait des conséquences négatives non seulement sur la qualité des diplômes, mais aussi sur l’ensemble de l’ingénierie française. Au même moment, 1,5 million d’ingénieurs sont formés chaque année en Chine et en Inde, tandis que Barack Obama a lancé un programme de plus de cinq milliards de dollars en faveur de la recherche, de l’innovation et de la formation des ingénieurs. Une profonde réflexion doit donc être menée en France sur la place de l’industrie et des métiers techniques pour relever le défi de la compétitivité.
Retrouvez les actes du colloque, table ronde par table ronde :
Ouverture du colloque
Interventions préliminaires
Table ronde 1
Table ronde 2
Clôture
Biographie des intervenants (ici)