Ce sont 14 cadres de 30 à 50 ans, en cours de reconversion ou de réorientation professionnelle qui ont été interviewés avec la méthode des entretiens semi-directifs pour cerner les raisons et les motivations qui les poussent vers ce secteur de l’ESS, qui occupe une place grandissante parmi les secteurs qui recrutent puisque 600 000 postes cadres et non cadres devraient se libérer d’ici 2020.
Quelles particularités de ce secteur attirent les cadres interrogés ? Ils sont tous au moment de l’enquête en transition professionnelle vers l’ESS, avec un fort désir de changer leur relation au travail.

Beaucoup d’entre eux ont connu des ruptures professionnelles douloureuses, des déceptions, des décalages de valeurs avec la stratégie de leur entreprise d’origine.

Leur choix du secteur de l’ESS semble basé sur des processus identitaires de (re)construction de soi qui les recentrent autour de « valeurs travail »recherchant un meilleur équilibre vie professionnelle-vie privée et l’envie d’intervenir plus activement pour changer la société.
L’ESS, secteur qui regroupe depuis 2008 les associations (78%), les coopératives (13%), les mutuelles (6%) et les fondations (3%) a été cadré par la loi du 31 juillet 2014 autour de la définition « d’entreprise sociale ».

La représentation de l’ESS chez les cadres est celle d’un secteur idéalisé, positif, porteur d’espoir pour soi-même et pour la société.
Ce qui, dans cette notion séduit les cadres qui veulent « recadrer » leur vie et lui redonner du sens, c’est l’idée de regrouper des personnes (et non des capitaux) et de s’inscrire dans un projet collectif (et non individuel) qui répond aux besoins des populations (et non des intérêts privés) avec un ancrage territorial (pour plus de sens) et selon un mode de gestion collectif, démocratique et participatif (et non autoritaire).

Un salarié sur quatre devrait prendre sa retraite avant 2020 en Ile de France. Et même si on ne connaît pas le taux de remplacement des salariés actuellement en poste, on sait que 97 000 cadres de l’ESS partiront à la retraite d’ici 2018.
L’ESS représente donc un gisement potentiel d’emploi, mais quelles qualités et compétences professionnelles peuvent être mises en avant ou acquises par le biais de formation pour trouver sa place aujourd’hui dans ce secteur ?

Car ce secteur est caractérisé par un changement majeur auquel sont confrontées les générations de salariés « militants » qui y occupent la majorité des emplois: les nouveaux impératifs et obligations de gestion exigés pour assurer la pérennité des structures.
Le secteur a dû se professionnaliser et de multiples formations se sont développées depuis les années 90 pour accompagner le mouvement.
Les cadres du privé qui souhaitent se réorienter vers ce secteur doivent se faire une place au côté de salariés issus « du sérail » qui grimpent les échelons et ont l’avantage de l’expérience terrain.

Pour être dans la course et avoir une chance de trouver un emploi, ils doivent à la fois se former, valoriser des qualités personnelles particulières et des expériences signifiantes de terrain (bénévolat, stages etc.) mais aussi accepter des rémunérations parfois 30% de moins que s’ils exerçaient dans le privé hors ESS.

Malgré la complexité du parcours vers l’ESS, ce qui attire les cadres du privé, c’est de réussir à incarner cette figure de « manager-militant » qui développe un rapport à l’entreprise et au travail qui ait un sens autre que celui attendu d’un dirigeant d’entreprise classique : Il est militant dans ses pratiques quotidiennes, tout en assumant un management efficace assurant la pérennité de la structure.

 

Télécharger l'étude: Ces cadres qui veulent se réorienter vers le secteur de l'économie sociale et solidaire, octobre 2015